Rappelez-vous, lectorat fidèle, vendredi dernier je postai un article absolument mortifère, et totalement dérisoire, sur le fait que « je n’avais pas d’idées » (ce qui peut poser problème quand votre métier est celui d’écrire).
Entre autres, je fis pleurer dans les chaumières en déclarant à la face d’un monde horrifié que je gagnais 0,65 € de l’heure.
Glaçante coïncidence !
Le même jour, un ami Virtual Niggaz rédigea un article sur le même sujet. Le pauvre homme est, pour sa part, peintre et moult autres choses. Cela dit, rendons-lui justice : son article était beaucoup moins mortifère et dérisoire que le mien !
Dans les commentaires, nous débattîmes sur les origines et implications de ce trouble.
En bon stal psychorigide, je prétendis (sur fond de l’Internationale) que nos pannes d’idées nous culpabilisaient car nous avions alors le sentiment de tomber dans l’inactivité passive propre à la bourgeoisie (inconscient de classe).
Quelques explications
Surprenante ironie du sort !
Hier soir même, je fis mon autocritique en compagnie d’Aniki (ce courageux être ! ) sur cette dite culpabilité.
Plusieurs raisons affleurèrent alors, expliquant ma panne d’idées.
1 / Le changement d’heure.
Me concernant, le changement d’heure hivernal symbolise l’arrivée de cette saison que je déteste au plus haut point.
Ne jouissant point des joies d’un chauffage moderne, dans mon humble masure, je dois supporter la température la plus écologique qu’il soit au monde. Aussi, je passe la journée pelotonné (et non pas peloté, hélas !) par de multiples couches de pull-overs.
Dans cet étrange accoutrement, je cultive l’impression malsaine d’être réifié en une sorte d’entité vivante composé à quatre-vingt-dix-neuf pour-cent de laine, et un pour-cent de matière organique.
Bref, être un pull H&M ambulant ne pousse à pas l’exploration littéraire. Ma structure narcissique en est toute ébranlée (cf. l’article « Jean Slim »).
En outre, je suis miné par les prochaines festivités de fin d’année. Eh oui ! Je fais partie de ces gens qui exècrent Noël avec maestria (mauvais souvenirs d’enfance traumatisée obligent).
Voilà pourquoi j’encourage vivement à fêter, à la place, Festivus.
2 / J’ai déjà écrit un livre cette année.
Même si je n’en suis pas très satisfait, j’ai en effet pondu un roman. Même si ce n’est qu’un premier jet, cela m’occupa longuement durant la belle saison, et l’on peut tout à fait admettre que mon potentiel créatif est pour l’instant épuisé.
Je dois aussi reconnaître que j’ai toujours eu des éclairs de génie au printemps et en été, le reste de l’année étant davantage consacré aux corrections et relectures (ce que je fais actuellement sans trop me forcer, comme d’habitude).
3 / J’ai pas arrêté d’être malade.
Allez savoir pourquoi !
Après avoir contracté une forme légère de la grippe A (dite aussi Mexicaine, sauf mon respect envers nos camarades d’Amérique Latine), j’accumulai dans les semaines suivantes des rhumes et des bronchites, à ne plus que savoir en faire.
Hier encore, toussant à la façon d’un tuberculeux en phase terminale, je ne pouvais point fumer. Et qui dit, chez moi, pas de cigarette, se verra répondre : pas d’écriture !!
4 / J’ai des idées, mais il faut qu’elles mûrissent !
Argument imparable, dont la force se trouvera étayée par sa véracité totale.
Sur la « chance d’être édité ».
Dans son article, le camarade des Virtual Niggaz rappelait que sa panne d’idées est d’autant plus lourde à accepter qu’elle se double du plombant sentiment suivant : de toute façon, si je me mettais à bosser ça ne servirait à rien.
Malheureusement, notre ami n’est pas encore très reconnu pour son activité créatrice.
Ce à quoi je lui répondis que, dans mon cas, le statut d’auteur édité n’est pas plus facile à porter en cas de panne d’idées.
Quand vous êtes un créateur indépendant, peu importe que vous ayez des idées ou pas ! Vous faites face à votre seule conscience…
Quand vous êtes un créateur rémunéré, non seulement vous faites face à votre conscience, mais en plus les éditeurs vous bassinent pour que vous pondiez de nouvelles œuvres !
Ne croyez pas, peuple naïf, qu’ils vous bassinent parce qu’ils adooorent ce que vous faites !
Certes pas !
En lui soumettant un nouveau manuscrit, vous avez neuf chances sur dix pour que l’éditeur vous le renvoie en pleine figure en lâchant : « mais quelle bouse, refais-moi ce travail de merde ! ».
Etre rémunéré, c’est très bien, je ne dis pas le contraire. Mais la longue bataille pour la reconnaissance (et donc pour de nouveaux salaires, aussi maigres soient-ils ! ) ne fait que commencer !
Les éditeurs vous bassinent pour s’occuper. Rien d’autre !
Notre ami me rétorqua que le fait d’être reconnu me conférait au moins un « but concret, un « devoir », la conscience de savoir pourquoi j’écris, une route tracée. »
L’explication ci-dessus détruit malheureusement ce noble espoir.
Sauf si vous avez vendu 500 000 exemplaires d’un même bouquin, un auteur déjà édité n’est pas plus certain de voir son manuscrit accepté qu’un auteur débutant.
Et je mets ma main à couper que des éditeurs ont déjà refusé des auteurs avec 500 000 exemplaires de vendus au compteur.
Si je ne l’affirme pas, c’est que je ne connais personne ayant été dans ce cas de figure, mais croyez-moi, ça existe.
Je terminerai en rappelant à tous les artistes et créateurs, quels que soient leurs domaines, qu’il ne faut mieux pas espérer vivre de son "art " … Un boulot complémentaire est et restera le bienvenu…