Régulièrement, je reçois des messages semblables à celui-là :
Bonjour Stoni,
Toi qui es dans le milieu et qui connais bien l’édition, j’aimerais avoir ton avis sur un roman que j’ai écrit. Je veux le faire éditer, mais j’ai peur qu’il ne soit pas publiable parce
que :
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il est trop long
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il est trop court
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il aborde le sujet des lombrics bisexuels suisses, c’est peut-être trop précis non ?
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il est trop violent
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il est trop érotique
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il est trop personnel
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il est plusieurs genres à la fois (SF, autofiction, policier, trois en un)
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il est écrit à la deuxième personne du pluriel mais il y a trois narrateurs qui ne sont jamais clairement identifiés
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il est con
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etc, etc, etc.
Selon toi, c’est bien la peine que je me ruine en photocopies et en envois postaux ?
Merci de ta réponse ! Au passage, tu es une personne exceptionnelle et je suis secrètement amoureux de toi
!
Un lecteur de Stoni
Bon. Mettons les choses au point.
Tout roman est potentiellement publiable.
Tout roman est potentiellement non publiable.
Ca me fait une belle jambe, me répondras-tu. Mais le quotidien d’un auteur est de se faire faire une belle jambe, qu’il soit édité ou pas !
Ce genre de message me fait toujours sourire, car le lecteur qui me l’a envoyé connaît, au fond de lui, la réponse : pour savoir il faut essayer. Simple comme bonjour !
Seulement, cette personne a envie de se rassurer. C’est fou comme on se sent seul, quand on écrit et qu’on veut être édité. Alors on écrit à Stoni, qui te rassure, et c’est tant mieux parce que (sur internet en tout cas) il est un peu là pour ça, Stoni (oui je parle de moi à la troisième personne du singulier mais, nom d'un topinambour, quel auteur ne le fait pas).
Du moment que tu respectes les bases de la mise en forme du manuscrit, tente ta chance, envoie ton bordel, et tu verras bien.
Si tu manques vraiment de confiance en ton texte, tu peux consulter mes conseils pour améliorer ton style, et t'en inspirer.
Bon, admettons que tu aies désormais un manuscrit proprement mis en forme et bien rédigé.
Tu l’envoies à une cinquantaine d’éditeurs minimum.
Je te conseille de faire deux à trois envois par semaine. Evite d’envoyer tes cinquante plis d’un coup.
Fais les choses progressivement, en leur temps…
Je reçois des tas et des tas de témoignages de lecteurs qui ont ciblé trois, quatre, dix éditeurs, et qui sont déjà désespérés. Putain, mais dix éditeurs, c’est rien ! Soyez patients ! Envoyez à des tonnes d’adresses différentes !
Oui, ça coûte une plombe. Les Parisiens pourront toujours aller déposer leur manuscrit en mains propres. Pour les autres, c’est un coût. Tout dépend de l’épaisseur du manuscrit.
Dans le pire des cas, cela te coûtera environ 10 € par envoi (manuscrit de 500/600 pages). A raison de deux envois par semaine : 20 €. Par mois : 20 € x 4 = 80 €.
Enfin bon, en général, c’est plutôt 3 € ou 4 € par envoi.
Plus les photocopies (drague le mec ou la nana de chez COREP, il te fera des réducs – dans mon cas ça avait bien marché).
Ouais, ça fait chier. Je sais.
Mais ça coûte toujours moins cher qu’une veste chez The Kooples (je prends cet exemple au hasard).
Sache néanmoins que les auteurs déjà édités ont le même problème, lorsqu’ils veulent changer d’éditeur. Eux aussi, ils font leurs petits envois par la poste. Et eux aussi, ils reçoivent des lettres de refus impersonnelles ! Si ça peut vous consoler…
Bon, là, si tu as visé cinquante éditeurs, tu pourras te faire une idée.
Au bout d’un an, tu n’as eu aucune réponse, sinon des lettres de refus : visiblement, ton manuscrit n’a pas trouvé sa voie.
Ce n’est pas grave.
Soit tu bosses sur autre chose (tu écris un autre roman et retentes l’aventure), soit tu mets ce texte refusé de côté et le ressors d’ici quelques temps. On ne sait jamais. Un manuscrit qui aura été systématiquement refusé en 2002 sera peut-être au goût du jour en 2008 (par contre faudra changer le titre).
Les voies de l’édition sont impénétrables.
Très rares sont les auteurs qui trouveront un éditeur dès le premier manuscrit.
Antoine Volodine a passé plus de quinze ans à envoyer des manus ici et là, avant de signer son premier contrat.
Idem pour le dernier Prix Goncourt : vingt années passées à envoyer ses manus…
Ces deux écrivains n’ont pas lâché et leur obstination a été récompensée.
Alors si Antoine Volodine en a chié, t'en chieras aussi, y’a pas de raison !!
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