Un jour, une épicerie bio a ouvert dans mon quartier.
J'ai ricané : « ha ha, ça va même pas duré deux ans, ce machin-là ! ».
Et bien entendu, je ne m'y rendis point.
En bon stal, j'étais forcément contre les produits bio. A mes yeux, le bio était un réflexe élitiste de gauchiste réactionnaire. « Hé attends je vais pas payer 5 € pour un putain de sachet de riz complet bordel ! »
Quand je passais devant le magasin, je ne daignais même pas lui condescendre d'un regard.
Sauf que, six mois ou un an plus tard, j'ai voulu faire du popcorn moi-même.
Pour cela, il me fallait du maïs à popcorn, une espèce bien précise.
Je fais une recherche sur internet : où trouver du maïs à popcorn dans les environs ?
La réponse se présenta, péremptoire, vengeresse – je vous le donne en mille : à l'épicerie bio.
Fait chier.
Je découvre que l'épicerie bio a un site web, avec les prix de tous les produits en vente. C'est pas cher du tout. Le sachet de riz complet est très loin d'être à 5 €.
Du coup, je prends sur moi et j'ose franchir la porte de cette infâme antre gauchiste (maladie infantile du...).
L'épicerie est une sorte de joyeux bordel bigarré où, le truc, c'est de vendre les produits en vrac. Le client amène ses propres emballages (bocaux, sachets, boîtes...), ou bien achète des sachets de papier à quelques centimes, et fait son petit marché. Il y a des distributeurs de céréales, de riz (pas à 5 € les 100 grammes donc), de pâtes, d'amandes, etc.
Franchement, c'est très agréable. Les employés sont jeunes et adorables. Cependant, moi, je reste sur mes gardes. Quand mon entrée est saluée par un irrésistible « saluuuut », je manque brandir ma carte du Parti, histoire de faire comprendre que, décidément, attention, je ne joue pas dans leur camp.
(D'ailleurs on voit bien là l'obsolescence de ma stalitude. Comme si le Parti était contre le bio. N'importe quoi. Depuis le Front de Gauche, le Parti, c'est ATTAC kif-kif-bourricot. Je vis en 1952 ma parole. Enfin, fi de digressions).
Bref, j'avance en cette terre ennemie, à la recherche de mon maïs et puis je me casse, promis juré.
Mais, j'aime bouffer, et je me rends compte que, putain, leurs produits, ils ont l'air bon. Le pire, c'est qu'ils coûtent moins cher qu'en supermarché.
Je m'attarde. Je regarde. Un tas d'épices. Leur parfum embaume la boutique. Alors, je prends plusieurs petits sachets en papier et je me fais avoir comme un bleu (ou un vert en l'occurrence, "mdr").
Du riz complet. Y'a même du nutella en vrac, merde ! Et du vin. Un employé me le fait goûter. Même pas 3 € le litre.
En sortant, je révise mon analyse matérialiste-dialectique-historique.
« Bon, ok, c'est pas si mal que ça, en fait, cette épicerie bio. Enfin, quand même, je suis sûr qu'ils financent EELV, cette bande de gauchistes réacs ! »
Or ! Le riz complet qui a du goût, le popcorn fait maison pas cher, le vin qui coûte rien et les petits gâteaux bio trop bons, ben, je dois te l'avouer : on s'y habitue grave.
J'y retourne.
Une fois.
Deux fois.
Trois fois.
Toutes les semaines.
A force, j'apprends à mieux connaître les employés. On discute. Ils s'investissent corps et âme dans une certaine image qu'ils ont du monde. Proposer de bons produits à tous. Eviter le gaspillage, faire travailler les agriculteurs et les producteurs français.
Leur opinion sur le nucléaire, les OGM ou la FNSEA n'est pas la mienne, mais on partage malgré tout.
Ils sont polis, souriants. Jamais ils ne font de prosélytisme. Leur ouverture d'esprit me fascine.
J'en arrive même à leur dire que je suis communiste sans susciter de réaction hostile. Au contraire. Le truc de ouf.
Je fais de la pub auprès de mes amis.
Me voilà désormais pour l'épicerie bio à fond du ballon.
Quand je repense à mes rires stupides et méchants, au moment de l'ouverture de la boutique.
Bref.
J'ai encore manqué une belle occasion de fermer ma gueule.
Mais, pour respecter ma stalitude, je viens de signer ici une énième et honteuse auto-critique.
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