En premier lieu, je dirais que le fric et la situation d'auteur, en général, ça fait deux.
Pourquoi tant d'injustice, crieras-tu, ami lecteur ?
Eh bien, c'est comme ça.
Souvent, les gens s'imaginent des trucs sur la condition d'écrivain. Que, genre, on acquiert un certain prestige social et qu'on touche du pognon, bref, que c'est un vrai métier et tout.
En vrai, c'est pas tout à fait la vérité. Ça l'est même pas du tout.
Enculage n° 1 : l'à-valoir
Le jour où tu signes un contrat d'édition à compte d'éditeur avec ton nouveau patron (un éditeur, donc), celui-ci est censé te remettre un chèque d'à-valoir.
(voir l'article : Au secours je vais signer un contrat d'édition)
L'à-valoir est une avance sur tes potentielles ventes futures.
Et l'à-valoir n'est pas remboursable !
L'à-valoir est une garantie pour l'auteur. Si ton roman se vend à cent exemplaires (c'est un bide complet), tu gardes ton fric, même si le montant de l'à-valoir ne recouvre pas les droits d'auteurs que tu auras virtuellement touchés.
Le montant de tes droits d'auteur est fixé dans le contrat. En général, pour un premier roman signé par un quidam, il se situera autour de 7 à 10 %.
Prenons 10 %, c'est plus simple pour faire le calcul.
Tes droits d'auteurs correspondent à 10 % du prix de vente hors taxe du bouquin (je rappelle qu'en France le prix de vente du livre est unique, quel que soit le magasin il sera le même partout, et c'est l'éditeur qui le détermine).
Le prix de vente HT de ton roman est de 10 €.
Tu touches, par exemplaire vendu, 1 € (10 € x 10 %).
Ton roman s'est vendu à 100 exemplaires.
Tu touches 100 €.
Et tu les touches virtuellement, comme je l'ait écrit plus tôt, puisque l'éditeur t'a fait une avance. On te les a déjà payés.
En effet, tu as encaissé, le jour de la signature du contrat, un chèque de 1 000 € d'à-valoir : ben t'as fait une belle affaire, en quelque sorte.
T'as engrangé une espèce de bénéfice de 900 €.
D'où l'importance de l'à-valoir, pour un auteur.
C'est l'à-valoir qu'il te faut négocier, lors de la signature de ton contrat d'édition. A la limite, les droits d'auteurs, on s'en bat un peu les couilles (à condition qu'ils soient supérieurs à 7%, sinon c'est du foutage de gueule).
En revanche, si les ventes génèrent assez de droits d'auteurs pour que le total de ceux-ci dépasse le montant de ton à-valoir, ça devient intéressant.
Ton roman s'est vendu à 1500 exemplaires.
Tes droits d'auteurs s'élèvent donc à 1500 €.
1500 € (droits d'auteurs) – 1000 € (à-valoir) = 500 €
500 € que tu toucheras à peu près un an après la parution du bouquin – si ton éditeur se bouge le cul et ne te fait pas poireauter plus longtemps.
L'à-valoir et les droits d'auteurs seront pris en compte dans le montant de ton Impôt sur le Revenu, faut pas déconner non plus...
Un à-valoir, c'est une bonne manière de repérer un éditeur presque sérieux et presque professionnel.
Dans le cas d'un premier roman, si le montant de l'à-valoir que l'on te propose est inférieur à 500 €, refuse tout net.
Entre 500 € et 1000 €, c'est super radin et tu as le droit de râler.
Entre 1000 € et 1500 €, c'est assez radin et tu as toujours le droit de râler.
A partir de 1500 € (et ce sera le maximum qu'on te proposera, sauf si tu t'appelles Oussama Ben Laden, bref, t'es une star et tout le monde se déchire ton œuvre), c'est très bien.
Ne crois pas qu'un gros éditeur te proposera plus qu'un petit éditeur.
Les gros éditeurs sont en général des radins de première, ils estiment que tu as sacrément de la chance de décrocher ton premier contrat chez eux et te proposeront des formules à la con : 900 € en premier à-valoir, plus 500 € à la parution du roman (on sait jamais, si tu claques avant), 700 € d'à-valoir mais trois livres de ton choix gratuits, etc...
C'est des vrais marchands de tapis, ces mecs.
A partir de ton deuxième roman, puis du troisième, quatrième, etc., tu auras toute la légitimité de demander une augmentation de ton à-valoir (on passe à 2000 €, 2500 €, 3000 €... bon faut rester raisonnable en fonction des ventes de ton bouquin).
Enculage n° 2 : le tirage et les ventes
Mon cher lecteur, tu auras compris que les ventes d'un roman déterminent le potentiel fric que tu peux tirer de ta prose.
Sauf qu'avant de vendre ton bouquin, faut l'imprimer.
Pour un premier roman, le tirage tournera autour de 1000 à 3000 exemplaires.
Bien sûr, ça peut être davantage si ton éditeur t'a choisi pour faire le gros coup de la rentrée littéraire (tu es le fils caché de Mickey Mouse et tu déballes tout dans ton roman), mais comme tu n'as aucune chance d'être tiré au sort pour ce genre de promotion (qui, en général, ne marche pas), on s'en fout.
Il faut savoir que, dans l'édition, un règle veut que sur tout tirage, il y ait à peu près 60 % de retours.
Le retour, c'est quand ton roman n'a pas été vendu dans une librairie et qu'il retourne dans les stocks. Il est alors considéré comme « défraîchi » : l'éditeur n'a plus le droit de le vendre. Son futur est voué au pilonnage. On le détruira pour en faire du PQ recyclé.
Tu vas me dire, c'est chelou qu'on imprime 1000 exemplaires sachant que 60 % va être pilonné.
Non, ce n'est pas chelou. Plus vous faites tirer chez un imprimeur, moins ça vous coûte. L'éditeur n'a aucun intérêt à faire tirer 500 exemplaires, si ça lui coûte aussi cher (voire plus cher), que 1000. C'est la loi du gros !
Sur le tirage, il faudra aussi soustraire tous les exemplaires que ton éditeur enverra en service de presse (SP pour les intimes), aux concours littéraires, à ses amis jet-setteurs, etc... Plusieurs centaines de volumes, qui ne seront pas comptées comme des ventes, évidemment (manquerait plus que ça).
Examinons maintenant le baromètre Stoni des ventes de roman :
Inférieures à 300 exemplaires : franchement pas chanmé. Mais c'est pas grave, tu t'en remettras.
Probabilité pour un premier roman : 50 %...
De 300 à 500 exemplaires : c'est pas mal. Ton éditeur a pas trop perdu de fric. Bon, c'est pas chanmé, mais ça va. T'as pas à avoir honte. Par contre t'es toujours inconnu dans le milieu, mon pauvre vieux.
Probabilité pour un premier roman : 20 %
De 500 à 700 exemplaires : hé, tu t'es fait un petit nom dans le milieu. C'est cool.
Probabilité pour un premier roman : 10 %
De 700 à 1000 exemplaires : pas mal du tout ! Les gens savent qui tu es.
Probabilité pour un premier roman : 10 %
De 1000 à 2000 exemplaires : carrément chanmé putain !
Probabilité pour un premier roman : 9 %
Au-delà de 2000 exemplaires : wallah c'est un best-seller ma parole.
Probabilité pour un premier roman : 1 %.
Mon baromètre n'est pas une plaisanterie. Personne n'estime à quel point le tirage et la vente d'un roman sont des montants ridicules.
Ben ouais, c'est comme ça.
La littérature, ça fait pas vendre. On y peut rien.
Ce baromètre s'applique à tous les éditeurs. Ah, le nombre de primo-romanciers chez Gallimard qui se cassent les dents sur du 300 exemplaires... Ou même l'auteur confirmé qui change brusquement de maison, pour le prestige d'un Seuil, et qui se retrouve à 600 exemplaires après avoir fait du 1000/3000 chez un éditeur plus modeste (le Seuil ayant, sans mauvaise intention, bâclé la promo de son livre...).
La vie est dure !
La prochaine fois, Stoni te racontera pourquoi il te sera difficile, peut-être même impossible, de connaître le chiffre exact de tes ventes. Il t'expliquera aussi pourquoi les outils publics de comptabilisation des ventes de livres comme Edistat c'est de la grosse connerie.
Stoni, il est sympa, quand même.
Mais si, dis-le.
A lire aussi : comment exiger et négocier son à-valoir ?
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