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Les plus assidus d'entre mes lecteurs savent que, depuis plusieurs mois, je m'initie aux délicatesses insoupçonnées de la langue boche – hum, pardon, de la langue allemande.
Germanisant ainsi, je me suis souvenu que, dans une autre vie, c'est-à-dire à l'école, j'avais appris l'italien. Et que je le parlais pas mal du tout.
Cela faisait plus de dix ans que je ne l'avais pas pratiqué.
En bon masochiste, j'ai décidé de m'y remettre.
Après quelques semaines de remise à niveau, je suis désormais capable de lire en italien. J'ai commencé avec des contes ou des classiques destinés aux enfants. Entre autres, les Aventures de Pinocchio de Collodi.
Ma mère me l'avait lu avant même que je sache écrire. Gamin, j'ai dû le dévorer plusieurs fois et je l'avais relu en français il y a deux ou trois ans.
J'aime beaucoup cette histoire, surtout l'aspect social, l'omniprésence de la pauvreté et les rappels constants que fait l'auteur à la dialectique de la production et de la consommation.
Quand j'étais gosse, j'avais vu le film de Comencini (en vérité une télésérie) que j'avais adoré.
Je ne me souviens pas avoir vu le Walt Disney dans mon enfance. Je n'ai jamais été un fanatique de Disney.
Donc, lisant en italien, j'ai emprunté à la bibliothèque une version bilingue commentée. Plusieurs articles critiques ponctuent le bouquin, dont un petit texte sur le film de Disney dont j'ai décidé de vous retranscrire des extraits.
Je suis particulièrement d'accord avec l'auteur.
Totalement d'acord, même.
(Tout le dossier rédigé par Jean-Claude Zancarini est d'ailleurs d'une rare érudition.)
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Le Pinocchio de Walt Disney ou se méfier des contrefaçons
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En 1940, l''équipe de Walt Disney produit une adaptation de Pinocchio, "inspirée du conte de Collodi". Ce dessin animé contribue indubitablement au maintien du succès de notre pantin préféré, au point que Pinocchio est bien souvent perçu comme un personnage "inventé" par Walt Disney, mais l'adaptation modifie à ce point les caractéristiques du livre de Collodi qu'on peut parler d'un arraisonnement du personnage, voire d'une contrefaçon.
Pour le dire vite et sans fard, on passe de Pinocchio l'aventureux à Pinocchio le gentil benêt, d'un monde socialement déterminé à l'univers vidé de substance d'une fable, d'un récit efficace mais varié, souple, nuancé à une écriture cinématographique qui privilégie l'effet et la pathos simplificateur.
Les indices sont nombreux de cet arraisonnement de Pinocchio par le moralisme de Walt Disney. Le premier, par ordre d'entrée en scène, tient au rôle déterminant de Jiminy Cricket, il Grillo Parlante, qui est rien moins que le narrateur du récit [...]. C'est lui qui tire la leçon poétique de l'histoire qu'il raconte lui-même : "l'espoir est dans les cieux", ainsi que l'énonce la chansonnette qui ouvre et clôt le dessiné animé. Dans Les Aventures de Pinocchio [de Collodi], le pauvre Grillo Parlante subit les effets de la colère d'un Pinocchio plus pugnace et plus réticent à parcourir "la route droite" : il est écrasé contre le mur par un maillet lancé par le pantin !
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(Saisissant contraste entre les deux vidéos, n'est-ce pas ?)
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Quand Jiminy Cricket entre dans la maison du "sculpteur" (et fabricant d'automate) [ du dessin animé], il est attiré par le bon feu qui ronfle dans la cheminée : le lecteur de Pinocchio se souvient que la situation est bien différente dans la maison décrite par Collodi, où le feu et la marmite qui fume sont "dessinés" au fond du foyer ! Il est vrai que lorsque Mangiafocco demande [dans le livre] à "notre" Pinocchio quel métier fait son père, celui-ci répond "le pauvre" et que Gepetto avait justifié le nom donné au pantin en faisant référence à tous les membres d'une famille de Pinocchio qui s'en sortaient fort bien puisque le plus riche d'entre eux vivait en demandant l'aumône.
Cet aspect social, si présent dans le livre de Collodi et souligné par toute la critique, est donc complètement gommé dans l'adaptation de Disney : plus d'enfants pauvres, plus de Toscane paysanne, même plus de gendarmes ! [...] A l'évocation de la pauvreté et de la faim, les scénaristes de Walt Disney préfèrent les ballets des automates et les effets mélodramatiques à l'oeuvre dans la séquence de la fuite de Pinocchio et Gepetto du ventre de la baleine (puisque baleine il y a, et non plus requin) [...]
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Si toi non plus tu kiffes pas trop Disney
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