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Blog d'un jeune écrivain... en direct depuis les tréfonds de la praxis. Ma vie matérialiste, ma cigarette électronique, du marxisme-léninisme et tous mes malheurs d'auteur publié.

Baiser pour baiser, c'est chiant



 

ARTICLE SUR LE SEXE !!!

 

COMPRENANT LES MOTS

 

BAISE

 

BRANLETTE

 

 

 

L’autre jour, un vieux communiste me narrait son vécu des manifestations étudiantes de mai 68.

 

En écoutant ce fatras mixant réunions clandestines, errance dans les couloirs du métro parisien à la recherche non du temps perdu, mais d’un point de rassemblement, fréquentations de professeurs d’université engagés et d’intellectuels pavoisant, j’en conclus un laconique :

- Putain, ça devait être chiant.

  Plein de sincérité, que j’étais.

Le vieux communiste me répondit aussitôt :

 - Oh non, c’était super, on arrêtait pas de baiser. Y’avait pas le sida, à cette époque.

  Lui aussi, plein de sincérité, qu’il était.

Je rajoutai donc mentalement au paradigme soixante-huitard (réunions clandestines chiantes, manifs chiantes, étudiants chiants, professeurs et intellectuels chiants, groupuscules gauchos-maoïstes-trotskards chiants), de la baise à tout va chiante, avec des gens chiants.

J’eus donc envie de répéter :

 - Putain, ça devait être chiant !

Mais je ne le fis pas, le vieux étant reparti de plus belle dans ses souvenirs.

Je trouvai rapidement un prétexte pour disposer.

 

Je retrouvai un camarade plus sympathique, et de ma génération.

Il cerna mon air non pas enchanté, mais enchianté, et me demanda ce qui m’avait ainsi fait chier – en toute logique.

Je résumai ma conversation avec le vieux communiste – conversation étant un terme un peu exagéré, l’échange tenant davantage du soliloque radoteur.

Le camarade ricana :

 - Ah, le vieux con. Comme s’il avait fallu le sida pour qu’on arrête de baiser.

 - Ça c’est pas le pire, répondis-je avec un haussement d’épaules. Juste la conne satisfaction du vieux rappelant aux jeunes qu’il n’auront vécu que les trente piteuses, et non les trente glorieuses… Tu sais, en fait, je trouve ça d’un chiant !

 - Ouais, il est chiant ce mec, t’as raison.

 - Non pas lui, enfin, pas que lui… Je parle de la baise. Tu vois ? Baiser pour baiser. Putain, c’est chiant ! Heureusement que j’ai pas fait mai 68, je me serais fait chier à mort !

 - De toute façon, tu n’aurais pas été étudiant, tu aurais été faire la grève avec les ouvriers. Et là, tu aurais beaucoup moins baisé.

 - C’est vrai.

 - Bref, dans tous les cas, tu serais passé pour le vieux réac stal du coin. Surtout si, ouvrier, t’avais dit aux étudiants : baiser, c’est chiant.

Il se marra.

 - Mais c’est vrai ! Putain, baiser c’est chiant !

 - Pourquoi ?

 - Baiser pour baiser ? Merde, rien de plus débandant. Ces mecs – s’ils ont réellement passé leur temps à baiser – devaient tirer de mauvais coups. Tu te vois, dans un amphi occupé à la Sorbonne, en train de draguer une connasse mal embouchée et puis lui dire on va baiser ? Et aller baiser chais pas où, dans chais pas quelles conditions ?

 - Ouais, carrément.

 - Paye le truc sinistre et pitoyable : c’est mondain.

 - Non, ça peut être bien. Si les deux ont envie de s’envoyer en l’air, pourquoi s’en priver ?

 - Ok. Admettons que t’as trouvé une nana consentante, elle t’emmène dans sa chambre d’étudiante, vous baisez.

 - Moi ça me plaît bien, comme scénario.

 - Mais après ?

 - Après, j’en sais rien, si elle me plaît, je la revois. Sinon, je la revois pas.

 - Tu la revois pour quoi faire ?

 - Pour la connaître.

 - Voilà : on en vient au même point que dans un monde où les gens ne baisent pas pour baiser. Tu dois la draguer, la courtiser, lui plaire. Donc, t’as pas baisé pour baiser.

 - C’est vrai, mais si je la revois pas, eh bien, on aura toujours passé un bon moment.

 - Non, on passe un bon moment à deux. Là, ce que t’auras fait avec elle, c’est te masturber dans un trou. Point barre. Tu t’es fait reluire. Et elle aussi, de son côté.

 - Baiser pour baiser, c’est se masturber, donc.

 - Ouais, mais dans le mondain. Tu passes par le relationnel de classe. Excuse-moi, mais je trouve ça super chiant, le mondain. Le sexe n’est pas mondain, à mon avis.

 - C’est quoi, alors ?

 - C’est baiser par envie de l’autre. Pas par amour, pas forcément. Mais une bonne baise n’est pas mondaine. Elle est intersubjective. C’est une relation de sujet à sujet, en dehors des codes mondains. Baiser correctement, c’est retrouver l’être tant que possible, donc s’affranchir des codes mondains. Les codes étouffent l’être. Baiser correctement, c’est baiser ontologiquement.

 - Pardon ?

 - L’ontologie, c’est l’étude de l’être. Quand tu fourres une semi inconnue, baisant pour baiser, tu n’es pas dans la recherche de l’être. Tu te tapes une branlette ! C’est ça, la grande hypocrisie de la baise pour la baise. Elle revendique l’exaltation hédoniste du sexe, alors qu’il n’y a pas de sexe. Tu te contentes d’obéir au code de la classe dominante, tu te masturbes dans le mondain, étant donné que se masturber tout seul, ce n’est pas très valorisé – ni valorisant. Je te parle d’idéologie, là. En tant que telle, la branlette n’a rien à voir avec la moindre notion de valeur.

 - Et en quoi une baise pour la baise appartient au code de la classe dominante ?

 - Parce qu’elle nie la reconnaissance de l’autre, et que c’est le point de départ du capitalisme. On exploite quelqu’un quand on ne le reconnaît pas. Sinon, l’exploitation est impossible.

 - Tu dis que baiser pour baiser, c’est exploiter l’autre ?

 - Non, pas du tout. Les deux sont consentants, on l’a dit. Je dis que c’est une scène infiniment chiante de salon de thé bourgeois. Bonjour madame, tirons-nous un coup ? - Oh oui monsieur, tirons notre coup, et nous pourrons clamer sur tous les toits que nous avons « baisé ». - Oh madame, quelle fantastique baise que voici. Nous allons fortement nous amuser. Ah ah ah !  - Mon cher ami, mais la baise, c’est génial quand c’est uniquement pour baiser. - C’est subversif, ma chère ! - Absolument, tout à fait subversif. Et pendant ce temps, monsieur, la révolution ? - Oh elle peut attendre madame, puisque nous baisons pour baiser. Nous sommes fort heureux ainsi et avons le monde en prenant notre pied. Ma foi, j’avais envie de sexe, et puisque vous aussi... - Oui mon cher ami, allons nous masturber à l’aide de nos organes sexuels respectifs. Dans ce dialogue, il n’y a pas d’exploitation entre le monsieur et la dame. En revanche, ils recourent à une idéologie qui permet l’exploitation. Il n’y a aucune ontologie là-dedans. Il y a le respect du code.

 - Putain, t’es tordu, comme mec. T’es en train d’insinuer que si par hasard, tu étais célibataire, que t’avais pas baisé depuis dix ans, et que tu trouves un partenaire consentant, tu le ferais pas ?

 - Là n’est pas la question. Ce qui change tout, c’est de s’en vanter après. Oh c’était magnifique mai 68, on arrêtait pas de baiser. Ça, c’est mondain. Ça, c’est chiant. Une baise qui te pousse, un jour futur, à déclarer un truc pareil, c’est qu’elle était mondaine. Et le mondain…

 - Tu trouves ça super chiant.

 - Je te le fais pas dire.

 

 

 

 

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Commenter cet article
L
Je vis malheureusement le même drame que Zorro ou Spiderman qui ne peuvent,une fois démasqués, retirer une quelconque gloire de leurs exploits.<br /> Zorro, Spideman, Lealf meme combat!
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S
Merde, tu vas t'en vanter, après !!!
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L
Réjouissant et drole mais comme disait ton interlocuteur: Putain t es tordu comme mec!<br /> A plus j ai un RV mondain
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