Blog d'un jeune écrivain... en direct depuis les tréfonds de la praxis. Ma vie matérialiste, ma cigarette électronique, du marxisme-léninisme et tous mes malheurs d'auteur publié.
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Le 25 juin 2009, je suis arrivé au travail et mes collègues m'ont dit en pouffant de rire : " t'es au courant pour Michael Jackson ? ".
Non, je n'étais pas au courant. Je n'ai pas la télé ni n'écoute la radio, et à 8 heures du matin, je n'avais pas encore eu le temps de me connecter à internet.
La nouvelle de sa mort m'indifférait et je suis passé à autre chose. J'ai bossé, fait ce que j'avais à faire, comme tous les matins.
Pourtant, une mélancolie sournoise s'installait en moi, au fil des heures. J'étais peiné, je n'arrivais pas à me concentrer sur mon travail.
Je n'ai pas fait le rapprochement tout de suite. Puis, j'ai croisé des collègues qui racontaient des conneries sur Michael Jackson, ça m'a blessé et j'ai compris.
Enfin, j'ai compris... non, pas vraiment. Pourquoi étais-je touché par la mort de ce type ? Je n'écoute pas sa musique, je ne m'intéresse absolument pas à lui. Il ne m'inspire rien du tout. Alors, en quel honneur ? Pourquoi diable ?
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Et puis, je me suis souvenu.
C'était loin, très loin dans ma mémoire.
Quand j'avais trois ou quatre ans, j'adorais Michael Jackson.
Le terme " adorer " ne suffit peut-être pas. Je le vénérais.
Putain, quand ça m'est revenu, j'étais soufflé. J'avais complètement oublié.
Là, il m'est arrivé un truc étrange. L'enfant que j'avais été ressucitait. Tout m'est revenu.
Ce gosse de trois ans, planté devant la télé quand passait le clip de Thriller. J'en ai parlé à mes parents, quelques jours plus tard. Ils m'ont raconté :
- Oui, quand le clip était diffusé, les premières fois on s'est vraiment demandé si on pouvait te laisser le regarder. Par rapport aux images des zombies, on avait peur que tu fasses des cauchemars... Mais tu prenais un tel plaisir à le regarder, tu jubilais, tu te marrais tout seul, tu dansais, on a pas osé t'empêcher de le voir. De toute façon, tu n'as jamais fait de cauchemar à cause de ça. Un peu plus tard on t'a acheté le 45 tours de Bad, tu t'en souviens ?
Bad, album sorti en 1987. J'allais tranquillement sur mes quatre ans.
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Tout ce paradigme puéril a ressurgi en moi.
Je ne suis pas devenu un adulte très nostalgique de mon enfance. D'ailleurs, quand j'étais petit, je n'avais qu'un souhait : devenir grand le plus vite possible.
Beaucoup d'adultes considèrent l'enfance comme une sorte de paradis perdu. Pour moi, c'est plutôt le contraire. Je n'apprécie pas vraiment les enfants, mais ils arrivent pourtant, souvent, à m'apitoyer. Quand je vois des enfants de parents pauvres, comme les miens l'étaient, des gamins de prolétaires promis à affronter cette économie putride, déliquescente, qu'est la nôtre, j'ai pitié. Je les trouve si naïfs, si désarmés, par rapport à toute la chierie, les névroses et la cruauté de certains adultes.
Moi, enfant, je voulais être grand.
C'est pour ça que j'aimais bien Michael Jackson. Il représentait la synthèse des deux états : enfant et adulte. J'ai toujours admiré les gens qui réconcilient les contraires. Je collectionnais tous les articles que je pouvais trouver sur lui et mes parents me les lisaient. Je savais donc qu'il élevait un chimpanzé et qu'il possédait un parc d'attraction. Je trouvais ça génial. Voilà enfin un adulte dialectiquement viable. Il opérait un dépassement de la thèse (l'enfance) et de l'antithèse (la maturité).
Mes parents allaient régulièrement dans une librairie, où j'avais repéré, au coin bande dessinée, une biographie illustrée de Michael Jackson. Je me suis souvenu des images, notamment celles où il était hospitalisé après avoir subi le fameux accident sur le tournage de la publicité Pepsi.
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Ces vignettes me fascinaient. J'aimais les héros qui se sacrifiaient pour une cause, et je les aimais d'autant plus si la cause n'était qu'un artifice dont ils ne décelaient pas la vanité. Ce qui était le cas de Michael Jackson. Voir ce jeune homme brûlé pour une marque de coca cola me faisait frissonner. Une sorte de passion christique du capitalisme.
Dans mes romans, la thématique revient souvent.
Je dessinais Michael Jackson partout. Dans mes livres pour enfant, dans les magazines de mes parents, dans mes carnets à pages blanches.
Ma mère m'avait confectionné un petit cahier où elle avait collé des images des choses auxquelles je tenais le plus.
Il y avait : un taureau. (J'adorais cet animal.)
Mon kiki... (ouais je sais c'est la honte)
La moto de mon père. (ça c'est classe. Honda sept et demi)
Et Michael Jackson.
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Le 25 juin 2009, tout cela a revécu. L'univers d'un pauvre gosse de trois ans, entre temps complètement oublié, s'est reconstruit. Ce gosse lui-même est revenu.
Il m'a regardé, interloqué, il m'a demandé où était le chimpanzé que j'aurais dû élever et pourquoi je n'avais pas construit un parc d'attraction.
J'étais triste, ce jour-là.
Un de mes meilleurs potes m'a appelé en fin de journée. La voix étranglée, il m'a demandé :
- T'es au courant pour Michael Jackson ?
- Oui. Toi aussi, tu as revécu tes trois ans ?
Il n'a pas répondu.
Il était effondré.
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Si toi aussi tu kiffais Michael Jackson quand t'étais môme