Blog d'un jeune écrivain... en direct depuis les tréfonds de la praxis. Ma vie matérialiste, ma cigarette électronique, du marxisme-léninisme et tous mes malheurs d'auteur publié.
Je suis toujours parti du principe qu'il y avait une place bien déterminée pour chaque chose existant en ce bas monde. Les conversations 3615 MYLIFE ? Avec les poteaux. Le boulot ? Au boulot. Le sexe ? A la maison. Donc, quand on mélange, ça froisse mon obsession de l'ordre tout à fait psychorigide.
Je suis, en réalité, un être extrêmement prude. Eh oui ! Beaucoup peinent à le croire, mais c'est vrai ! Je ne parlerais jamais de ma vie sexuelle au premier venu (pour ce qu'il y a à en dire, en plus...). En revanche, ça ne me gêne pas de parler de la vie sexuelle en général – c'est d'ailleurs pourquoi j'écris des romans. Mais, parler de moi et de mon corps, ah non, jamais de la vie.
De même, je suis très gêné quand des gens qui ne devraient pas me parler de sexe m'en parlent. Des potes ? Aucun souci. Normal. C'est des potes. Si on peut plus parler de cul entre potes, de quoi on parlerait je vous le demande.
Mais des gens autres ? Ah non. Et, encore pire : des gens du boulot. BEURK !
Pour moi, le monde du travail est une sphère qui, à la base, est déjà entachée par le péché originel économique : l'exploitation. Quand je me rends au travail, je suis plus ou moins conscient (ça dépend des jours) que je vends ma force de travail, donc mon corps (force physique et / ou intellectuelle). Je sais pas ce que vous en pensez, mais à mon avis, dès le début, y'a anguille sous roche. Le monde du travail (en régime capitaliste) n'est pas un milieu très sain.
Donc, je me protège. Il y a un monde du travail et un monde de la vie privée. Je considère que je n'ai pas à mélanger les deux. Bien sûr, il y a des choses dont on peut parler au travail, par effort de sociabilité : sa passion pour les échecs ou le bowling, ce genre de trucs, quoi. Consensuel. Au travail, je ne parle pas politique (surtout qu'il n'y a pas de syndicat), ni sexe, ni littérature, ni rien. Le truc intéressant, ce serait de cerner où se situe exactement la frontière. Par exemple, au travail, je pourrais tout à fait aborder – pour discuter à la pause clope – le sujet de la dernière ville où j'ai passé mes vacances, etc. En revanche, je serais incapable de dire « je kiffe trop Andreï Roublev de Tarkovski ». Là je considère qu'on franchit la ligne rouge.
Ma situation est, toutefois, bien spécifique : je ne partage pratiquement aucun point commun sociologique, générationnel et culturel avec mes collègues. Ça n'arrange pas les choses.
Enfin, bref, tu auras compris, ami lecteur, que je ne parle pas cul au boulot.
Et depuis « l'affaire DSK », ben tout le monde parle cul au boulot.
Pas moi. Jamais.
Mais ça me gêne.
Si je vous jure.
En fait, ce ne sont pas les mots, ou les images, ou les faits qui me dérangent. Simplement, je ne veux pas entendre ce genre de choses sortir de la bouche des autres salariés. Oui, vous les autres salariés ! Hé, les gars, vous êtes des collègues. Vous êtes pas censés prononcer le mot « fellation » ou « sodomie ». D'une, c'est mon domaine à moi, le domaine de ma vie privée et de ma littérature ! De deux, pas là, pas au travail. Franchement... C'est pas propre, c'est dérangeant. Vous avez pas une tronche à prononcer « sodomie ». Je ne veux pas vous voir prononcer le mot « sodomie ». Ni fellation ni cunnilingus ni branlette espagnole, putain c'est vraiment dégueu !
Et puis, ce dont je souffre davantage encore, c'est la façon dont vous en parlez. Genre, ça vous fait baver d'envie. Condamnations graveleuses. Commentaires stupéfaits gorgés de dizaines de détails fantasmés. Florilège. « Ah y'en a qui se gênent pas et qui fourrent tout ce qui bouge ! » « Ces hommes politiques en vérité ils se tapent des centaines de putes de luxe ! » « A ce qu'il paraît ils vont tous dans des clubs échangistes pour VIP ! » « C'est comme les footballeurs, ils organisent des fêtes où des centaines de prostituées sont invitées ! »... (oui au passage j'avais déjà vachement accusé le truc au moment de l'affaire Ribéry machin truc). Mais comment vous les gens vous pouvez sortir des trucs pareils ? Genre, vous avez trop une vie de merde et vous cultivez une sorte d'amalgame entre l'admiration et le désir de lynchage à l'égard de DSK – ou de Ribéry. Il y a une sorte d'indignation où l'on sent bien un fond de désir refoulé. Ce qui est marrant, c'est que les femmes aussi parlent comme ça. Non mais sans déconner, je trouve ça terrible pour vous, les gens ! Vous voulez vous taper des putes ou fourrer des trous dans des partouzes ? Ben faites-le ! Qu'est-ce qui vous en empêche ? Y'a des putes à tous les prix et des clubs échangistes pour tous les milieux, non ?
Putain c'est glauque comment vous envisagez la sexualité ! Genre t'as la corde au cou depuis que t'as épousé bobonne, mais le truc de DSK d'un coup ça te fait monter la température en deux temps trois mouvements. T'as ta petite vie de merde de salarié anonyme sans aucune sublimation sensuelle, et si t'as envie d'immoler Ribéry sur l'autel des bonnes mœurs, c'est surtout parce que, en vérité, t'aimerais bien pouvoir faire comme lui. Oh mais allez-y faites comme eux ! Vous retenez pas, surtout. Et foutez-moi la paix au taf.
Je ne fais pas allusion aux gens qui trouvent le truc scandaleux, ou qui soutiennent DSK, ou l'inverse, ou je ne sais pas, mais juste à cette fascination mortifère pour « le monde interdit de la luxure des riches avec des tas de partouzes et du sexe à profusion ».
Ayez les fantasmes que vous voulez, les gens.
Mais pas au travail. S'il vous plaît.