Blog d'un jeune écrivain... en direct depuis les tréfonds de la praxis. Ma vie matérialiste, ma cigarette électronique, du marxisme-léninisme et tous mes malheurs d'auteur publié.
J’aurai été communiste en dépit des communistes eux-mêmes.
Ces jours-ci, je ne les supporte plus. Lorsque je lis, par hasard, dans un magazine, un journal, sur internet, le nom de Marx, une détestable sensation d’agacement s’empare de moi. Ce qui est mal. Marx n’a rien à voir avec tout ça.
Ce sont certains communistes qui m’énervent.
Pourtant. Chez moi, j’évite du regard mes rayonnages d’ouvrages communistes. A la bibliothèque, je fuis les étagères qui s’y rapportent. Ce qui est mal. La théorie n’a rien à voir avec tout ça.
Je m’interroge.
Au-dessus de mon bureau, j’ai affiché, en bon pauvre connard socialisant de base, les portraits de Rousseau et Robespierre. Et, ces jours-ci, si le communisme me saoule, je dois avouer que Robespierre, tout au contraire, m’inspire une admiration qui confine à la dévotion. Je le regarde. On dirait qu’il me regarde. Il me dit : « tu n’es pas un bon camarade ». Je lui réponds : « toi non plus, tu n’étais pas un bon camarade, ils t'ont fait guillotiner ». Il ne réplique pas. Je l’ai vexé. Je soupire.
J’en ai marre. De ces communistes qu’hélas je côtoie, de ces communistes chiants qui ont le malheur, justement, d’être communistes. Je n’en peux plus d’entendre leurs grandes leçons de socialisme, de lutte de classes, de matérialisme dialectique, leurs incantations pseudo-révolutionnaires, alors que ces gens n’ont jamais foutu le pied dans une putain d’entreprise de toute leur vie. Je veux dire, seulement FOUTRE LE PIED. Sans déconner. Ok, je sais. Marx non plus n’a jamais travaillé en entreprise de sa vie, me rétorqueront les sages et les bien avisés. Ils auront raison. Mais Marx, il me saoule aussi. Qu’il aille niquer sa bonne.
Je ne connais pas un seul camarade qui travaille en entreprise à un poste de subalterne. Tu te rends compte ? Je n’en connais aucun.
Sauf moi. Ce stupide ouvrier qui se lève tous les matin à six ou sept heures pour aller bosser.
Et pendant ce temps, les « camarades » en question, ceux qui m’agacent, contemplent le monde, l’actualité, analysent, dissertent, et moi je travaille.
Quelle putain de répartition des tâches à la con. Mon être de classe les emmerde. Il y aura toujours une classe laborieuse, toujours une classe oiseuse – à défaut d’être véritablement oisive – et c’est donc ça le socialisme pour lequel je me suis encarté.
Au cours de nos rares réunions, ils profèrent leur mépris des travailleurs, des petites gens, des pauvres gens, de mes amis, de mes proches, de mon père, de ma mère, de mes grands-parents, de mes frères, de mes sœurs, ils s’en fichent, ce n’est pas vrai, la classe ouvrière ne les intéresse pas, ne les a jamais intéressé, leur cause c’est la leur, pas celle des autres, leur cause c’est l’arrogance, leur cause c’est, tout simplement, être supérieur, se distinguer – et que ce soit par la politique, l’art, l’argent, cela revient au même et cela me dégoûte.
Peut-être parce que moi-même je cherche à me distinguer par la littérature.
Peut-être parce qu’ils sont comme moi.
Mais moi je travaille. Moi, je suis de et dans ce monde, je vis de et dans ce monde, qu’ils appellent – c’est selon – le salariat, la classe ouvrière élargie, le monde du travail, et qu’ils n’ont jamais voulu pénétrer. Sauf que moi je suis un hybride et c’est peut-être pire encore. Une monstruosité. Mi-travailleur, mi-je-ne-sais-quoi. Mi-artiste à deux balles. Mi-connard.
Je me fatigue. Ils m’épuisent.
Tu es un mauvais camarade, me dit Robespierre.
Et moi je suis désolé.
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