Blog d'un jeune écrivain... en direct depuis les tréfonds de la praxis. Ma vie matérialiste, ma cigarette électronique, du marxisme-léninisme et tous mes malheurs d'auteur publié.
Quand j’étais un chiard, ben nous les chiards, on faisait pitié.
Avez-vous mon âge ? Rappelez-vous. Dans les années 80, les chiards, ils se la ramenaient pas, ni n’en menaient large. Nous portions des survêts informes en coton molletonné, des baskets sans marque. Dans mon cas particulier, mes vieux volaient les baskets chez Carrefour. Ils nous faisaient chausser des nouvelles pompes dans le magasin, abandonnaient les anciennes trouées, et puis c’était marre, on quittait le supermarché (le contexte familial explique, chez moi, beaucoup de choses, vous savez). Je me souviens de mes potes : eux aussi faisaient pitié. Des pauvres gamins qui jouaient en bas des immeubles, tous les mercredis, au foot et au ballon prisonnier, la morve au nez, le pantalon trop grand, les bretelles en vrille.
Une photo de classe en 1988
Quand je vous disais qu'on était des pauv' perdus...
survêts en coton flashy, salopettes, dégaine à deux balles :
tout y est !
On était franchement pathétiques.
Gamins d’une petite banlieue comme une autre, trop maigres, trop grands, trop petits, parfois timides, parfois casse-cou, gamins qui regardaient le club Dorothée.
Et puis, vous savez comment va la vie : le temps passe.
J’ai grandi.
Et je vois les chiards d’aujourd’hui.
Le contraste me sidère. Et m’effraie.
Maintenant, les chiards, je les trouve plutôt bien fringués. A notre époque, c’est vrai, H&M, Zara et consorts, ça n’existait pas. Physiquement, ils sont beaucoup moins pathétiques. Tant mieux pour eux, quelque part.
Mais c’est pas tout à fait ça le problème.
Le problème, c’est que je les trouve insupportables.
Parce que nous, on était peut-être des pauvres chiards pathétiques, mais on était bien élevés.
Aujourd’hui, je ne sais franchement pas ce qui se passe. Ça part en cacahuètes.
Moi, les sanctions, les punitions, je n’en ai jamais vraiment eues. Mes parents – quand ils ne s’adonnaient pas au vol à l’étalage – prônaient une certaine éducation « à la Dolto ». Je peux compter sur les doigts d'une main le nombre de fois où j’ai reçu une claque.
Mais je les respectais, mes vieux, j’étais poli et je fermais ma gueule quand il fallait la fermer.
Aujourd’hui, les gosses passent leur temps à hurler. Je veux dire : ils passent réellement leur temps à hurler. Dans les transports en commun, dans la rue, chez leurs parents. Quand je suis chez des potes qui ont des chiards, limite si j’emporte pas les bouchons d’oreille. Les gosses sont toujours dans le salon et hurlent. Les parents encaissent. Ça me rend dingue. Au bout d’une heure ou deux, tout d’un coup, un des parents glisse « ça suffit Maxence, va jouer dans ta chambre ». Et mon cul c’est du poulet, qu’il pense, le Maxence, parce que sa chambre il y foutra pas les pieds de l’après-midi. Il demeure avec ses pokémons, dans le salon, à hurler. Puis il apporte tous les jouets électroniques bruyants que ses vieux ont eu la bonne idée de lui offrir. Non mais, je sais pas, réfléchissez juste cinq minutes, les gens. On offre pas un putain de pin-pon stridulant à son gamin. On offre des jouets en bois, des Lego, tout ce que vous voulez, mais pas une fausse guitare électrique qui fait brrrouuup et koumkoumkoumkoum.
Moi, si j’avais fait ça, mon père il m’aurait décalqué.
Quand mes parents recevaient des amis, soit avec ma sœur nous nous installions à côté – parce que la conversation nous intéressait – mais nous jouions alors discrètement, soit on restait dans notre chambre, soit on allait en bas de l’immeuble.
Dans l’hypothèse peu probable où nous aurions squatté avec les adultes en jouant de la fausse guitare électrique, mon père nous aurait traînés dans notre chambre après avoir poussé une bonne gueulante.
Et j’écris bien dans l’hypothèse peu probable, car nous avions compris depuis fort longtemps que notre daron, c’était la loi.
Quand il était au travail, nous obéissions aussi bien à notre mère – si nous avions déconné, dès le retour de notre père du travail, on aurait morflé.
Les chiards d’aujourd’hui n’ont visiblement pas le même statut. On leur accorde des passe-droits sonores.
Matériellement, ils sont bien mieux lotis que nous. Les poussettes sont plus grosses – et plus coûteuses. Les bébés sont remorqués dans des engins qui confinent, parfois, aux quatre roues motrices. Ils ont même leurs propres médecins. Nous, on était comme tout le monde : on était soignés par le médecin généraliste des familles. Les chiards de nos jours ont leur pédiatre. Ça rigole pas.
Le statut privilégié qu’on leur accorde se répercute, hélas, dans leur comportement.
Partout, des chiards qui savent à peine marcher et qui répondent aux adultes. Putain mais qu’il ferme sa gueule, le petit con ! On m’a déjà obligé à parler avec un bébé au téléphone.
Téléphone, bébé, pour moi, je sais pas, y'a
un truc qui cloche : UN CHIARD DE SIX MOIS NE PARLE PAS BORDEL DE MERDE !
J’ai refusé et cela a provoqué un scandale. Stoni ne veut pas parler avec le bébé au téléphone. Je suis navré, mais les bébés ne m’intéressent pas. Pire encore : je déteste les bébés. Il n’y a rien de plus laid, de plus sale et de plus crapuleux qu’un bébé. Pourtant, il ne faut pas contrarier le bébé. Il faut écouter le petit gniard de cinq ans qui vient vous claironner, ravi : « la cigarette ça fait des cancers hé hé hé ! ». Il faut le remercier. Il faut écraser sa cigarette.
Je ne suis plus fumeur depuis un an, mais je vous jure, je me péterais volontiers une clope devant ce genre de chiard moralisateur rien que pour le titiller.
Lors du réveillon d’une fête immonde bien connue en occident – et célébrée exprès pour les enfants, ces affreux salauds arrogants qui nous font subir de tels calvaires – je me retrouvai dans un appartement de 90 m² occupés entre autres par trois enfants.
90 m², pour moi, c’est grand. J’ai grandi dans un deux pièces. Mes parents dormaient dans le salon.
Eh bien, malgré l’espace dont ils disposaient, sachez que ces gamins ont réussi à s’installer dans le salon et à générer un boucan infernal. Je n’en pouvais plus. Ils sautaient, hurlaient, bavaient, pleuraient. Lorsque j’allai m’isoler dans une chambre, je réalisai que leur bruit était tout aussi assourdissant dans cette pièce qu’une autre.
A un moment, j’ai pensé « qu’on me donne une carabine et je plombe le premier qui passe ». Non mais sans déconner, sur le coup, je le pensais vraiment.
Le plus idiot dans cette histoire, c’est que ces gamins dotés du droit de polluer notre environnement, n’ont même pas celui de regarder des films « un peu violents », n'ont pas non plus celui de manger un biscuit avant le goûter, n’auront pas celui de fumer du tabac, ni de fumer des joints, ni de sortir avant leurs dix-huit ans.
Toutes choses que j’avais le droit de faire, et que j’ai faites : ma foi, j'en suis pas mort, et surtout, j’aurais pas fait autant fait chier le monde, moi.
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