Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Blog d'un jeune écrivain... en direct depuis les tréfonds de la praxis. Ma vie matérialiste, ma cigarette électronique, du marxisme-léninisme et tous mes malheurs d'auteur publié.

Le supermarché du livre (ou : laissons les gens tranquilles)

 

 

L'autre jour, j'ai croisé une connaissance d'un ancien boulot. Nous sommes contents de nous revoir et allons prendre un café.

Qu'est-ce que t'es devenu en deux ans. Qu'est-ce que tu fais maintenant.

Ce type est assez expansif. Je trouve qu'il s'agace pour pas grand-chose. Nous parlons politique et le mec s'énerve. Moi, je reste assez calme.

Et ma placidité, ça l'énerve davantage encore.

- Moi je suis pas encarté et je me sens concerné. Toi, t'es encarté, et on dirait que tous ces problèmes en France ça t'effleure même pas !

- Ben si, mais bon...

 

Avant, j'étais pareil que lui.

Puis je suis devenu marxiste.

 

L'avantage, quand vous êtes marxiste, c'est que vous comprenez beaucoup mieux ce qui se passe. Le comprend-on de la bonne façon ou pas, là n'est pas la question. Moi, en tout cas, je comprends, et ça me va très bien, ma petite grille de lecture. Si les gens n'ont pas la même que moi, ma foi, tant mieux pour eux. Ou tant pis.

Je clope en profitant du soleil qui tape sur la terrasse où nous sommes installés. Je clope trop, d'ailleurs. Ça craint.

Je ne sais pas quoi lui dire. Ouais, je devrais peut-être m'exciter, moi aussi. Mais non. De toute façon...

- Réagis, quoi ! Tu peux pas laisser faire le gouvernement !

- Ouais je sais.

- On dirait pas !

Ouais je sais qu'on dirait pas.

Mais je vais vous dire un truc : j'ai rien à en branler de ce qu'il fait, le gouvernement. Ça fait des décennies qu'on s'encaisse des gouvernements de droite ou des pseudo gouvernements de gauche. J'ai vraiment rien à en foutre.

 

RIEN A EN FOUTRE !!!! JE M'EN BATS LES STEAKS !

 

Quand ta réponse à tout est : révolution marxiste-léniniste, t'as rien à en foutre.

Enfin non, j'ai pas rien à en foutre non plus. Mais y'a un moment où...

- Bof, tu sais... laissons les gens tranquilles. Quand ils voudront faire la révolution, ils la feront. Et il y aura des camarades qui les aideront comme ils le pourront, grâce à nos études, nos expériences, grâce au marxisme, au matérialisme dialectique, des trucs comme ça genre...

- Mais les gens c'est tous des cons, ils votent à droite, faut pas compter sur eux !

Ouais. Non.

Laissons les gens tranquilles. La paix, s'il vous plaît.

Les pauvres votent à droite ? Ben. Tant pis, non ?

Je sais pas. C'est peut-être de notre faute, à nous le Parti, s'ils votent à droite.

J'en sais rien. Je ne suis pas en colère. Pas contre les gens. Ni contre le capitalisme, d'ailleurs. Le capitalisme, je le connais. Je l'ai cerné. Immense nuance.

J'ai choisi mon camp. Le problème, c'est que mon camp est dans un sale état, il fait peine à voir, exsangue, laminé, déserté, débile et friable.

Je ne dis pas ça à mon ami. Je sirote mon coca en cherchant à changer de sujet de conversation.

- Alors t'as repris des études à la fac, ça se passe bien ?

- Ouais, super. Mais toi c'est génial que t'écrives toujours. Tu sais, le truc qui me dégoute quand je vois ce que les gens lisent dans le métro... c'est que c'est toujours de la merde, pas vrai ?

Moi aussi j'aime bien regarder ce que les gens lisent dans le métro. Ce ne sont jamais des auteurs que je connais. Oui, c'est peut-être « de la merde ». Je ne sais pas. Encore une fois, je m'en fous.

Mon ami s'enflamme de nouveau.

- T'es écrivain et tu t'en fous que les gens lisent Marc Lévy ?

- Ben, si ça leur plaît...

- Franchement Stoni tu me déçois ! Comment on brade la culture ! Tu t'en rends pas compte ? T'as vu les livres qu'on vend dans les supermarchés ? Et les gens, ils s'en contentent ! Ils marchent à fond ! Qu'est-ce qu'ils sont cons !

- Ouais mais bon, au moins dans l'édition c'est pas tes impôts qui paient. Je veux dire, ça fait une différence, non ?

- Mais ça t'énerve pas que les gens ils lisent tous de la merde ?

- Pas tous, quand même...

- Ce con de Marc Lévy il se fait des millions !

- Oh, tant mieux pour lui, tu sais, moi...

- Mais toi tu crèves la faim !

- Euh non, j'ai un salaire, je mange, ça va... Je gagne pas des millions ça c'est sûr, mais faut pas exagérer...

- Mais t'es défaitiste ! éructe-t-il, écœuré.

- Ouais, peut-être...

- T'es comme mon petit frère qui a quinze ans !

- Ah bon ?

- Il s'en fout de tout, il réagit à rien !

- Ah... Ça lui passera peut-être.

Moi aussi, y'a longtemps, j'étais comme ça.

Je méprisais les autres. Parce que je lisais des bouquins chanmé, et que j'avais quatorze balais. J'avais l'impression d'être au-dessus du lot. J'étais en colère contre les autres. J'avais quatorze ans, quoi.

Et puis, je suis devenu marxiste. J'avais quoi ? Vingt ans ? Vingt-deux ? J'en sais rien. Une chose est sûre : ça m'a fait du bien.

- Y'a bien un truc qui te déçoit, quand même ? Dis-moi, Stoni. Un truc qui te déçoit !

- Oh, y'en a plein. Mais ça me met pas en colère.

C'est vrai que je n'aime pas quand des travailleurs se moquent de moi parce que je suis communiste, ou qu'ils serinent ça a déclenché un massacre, le communisme. Oui, ça me déçoit. Sur le coup, ça ne fait pas plaisir. Mais on s'habitue.

Il y a beaucoup de choses qui m'ont déçu. Ma foi. Je m'en suis remis. On n'a pas tellement le choix, non ?

- Si, y'a un truc qui m'a déçu. C'est le Parti.

- Ah, tu vois !

- Mais c'est pas grave... Y'a pas eu mort d'homme...

- T'es chiant de tout accepter, à la fin !

Non, je suis réaliste.

Un camarade aurait répondu : il y a encore des lieux de résistance au Parti, il faut se réunir, se serrer les coudes, lutter, militer...

Ouais. Non.

Je crois que je suis seulement bon pour travailler, dans une entreprise et dans l'écriture de romans.

 

Laissons les gens tranquilles. Hyperréalisme radical. Moi, ils ne m'ont rien fait.

 

 


Envie de partager ? (ton argent, ton corps... non je déconne)
Retrouve Stoni sur Facebook

Retour à l'accueil
Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
C
Pas con, plutôt que discuter, s'entraîner à laisser le bouquin répondre et attendre un retour à Staline. Ben oui parce que, à moins de prétendre que les russes savaient pas lire, les chinois plissent trop les yeux et les nord-coréens sont mal-comprenant, Marx mène à Lénine, Lénine à Staline et Staline à "putain on se gèle dans ce camp". Ta gueule, c'est écrit dans le bouquin.
Répondre
P
parfois, et même plus souvent que ça, je me dis: "ptain, ce Stoni, quel comédien! Il arriverait presque à nous faire croire que c'est un coco, un vrai de vrai, rouge dedans et rouge dehors! Alors qu'en fin de compte, il est aussi communiste que moi cardinal. Sacré Stoni, va!....
Répondre
L
Salut Stoni, vieux camarade<br /> T'inquiètes, la révolution, les gens savent la faire quand c'est nécessaire. Tant que tu peux nourrir tes mômes et causer tranquillement de révolution avec tes potes sans te retrouver au Goulag ou enbastillé, t'as pas besoin de la faire. Tant que les gens ont le temps de se poser des questions sur le sens de la vie ou ce qui va se passer dans le prochain épisode de Plus belle la vie, y a pas d'urgence. Il faut un sacré niveau de désespoir et d'oppression pour pousser les gens dans la rue, ce n'est pas une valeur intellectuelle mais viscérale. C'est arrivé, ça arrivera encore. Les gens savent le faire, quand c'est nécessaire.
Répondre
J
Moi aussi fut un temps où j'étais engagée, j'étais dans une association, j'étais déléguée du personnel et touétou. Et j'ai puis fini par me rendre compte que finalement très peu de gens avait envie du même monde que moi. Que je n'étais pas du tout en phase avec mes contemporains. Après tout si c'est ce monde là qu'ils veulent, qu'ils le gardent! On peut pas faire boire un âne qui n'a pas soif...<br /> Je te comprends tout à fait, Stoni.
Répondre
I
<br /> <br /> Oui, en fait ce n'est pas vraiement ça qui m'a interpellé, mais plutôt le fait qu'une partie des classes populaires en soit arrivée à voter à l'encontre de ses intérêts, en faisant SIEN le<br /> discours du patronat. C'est ça qui me trou le cul...<br /> <br /> <br /> <br />
Répondre