Blog d'un jeune écrivain... en direct depuis les tréfonds de la praxis. Ma vie matérialiste, ma cigarette électronique, du marxisme-léninisme et tous mes malheurs d'auteur publié.
Par un jour malheureux, innocent et candide jeune homme que j'étais, un roman infâme me tomba dans les mains, et je le lus : Le soleil se lève aussi, d'Ernest Hemingway.
J'émets le vœu sincère que ce livre ne sera jamais imposé en lecture suivie au collège ou au lycée. Quant aux étourdis qui souhaiteraient le lire sur un malentendu, gardez-vous de cette épreuve. En effet, ce bouquin fait partie des plus chiants que j'ai dû lire dans ma vie.
Et vous savez, quand je commence un livre, en général je le finis, même s'il est chiant. Oui, je suis maso. A la fois, si je ne me forçais pas à venir à bout de ces affreux bouquins, je ne serais en mesure de rédiger mes fiches de lecture ô combien salutaires (par exemple Alexis Zorba ou Quatrevingt-treize).
Aujourd'hui, c'est un soleil de plomb qui se lève chez Hemingway.
Ce roman se déroule dans les années vingt. Il conte les pérégrinations alcoolisées d'une bande d'Américains qui vivent en Europe et qui ne travaillent pas. J'en déduis donc qu'ils sont plein de pognon. Forcément, vous allez me dire, puisque ce sont des Américains.
Ces oisifs Américains évoluent d'abord en France dans un contexte fortement alcoolisé, comme l'eût dit Christophe Hondelatte dans Faites entrer l'accusé. J'imagine que, s'ils travaillaient, ils auraient moins le temps de boire, et peut-être le but de ce roman est de nous démontrer les dangers d'appartenir à la bourgeoisie. En cela, c'est assez réussi. Mais fallait-il donc le faire au travers d'une histoire aussi chiante ?
Voyez un peu.
Le héros se nomme Jake Barnes. Vétéran de la première guerre mondiale, ce pauvre homme a été émasculé par l'explosion d'un obus sur le champ de bataille. Depuis, il est donc impuissant. Pour oublier, il boit.
Et oui. Tout le monde boit.
Autour de Jake Barnes gravite toute une flopée d'Américains qui n'ont aucun intérêt. Ces gens ne cessent de boire et, parfois, commettent l'adultère. Ce qui évidemment crée des tensions très fortes car nous sommes en compagnie d'Américains et l'adultère c'est très mal pour des puritains, vous comprenez. Pour oublier l'adultère, ils boivent.
Parmi ces Américains puritains adultères, se trouve une donzelle dénommée Brett. En véritable « femme fatale » puritaine américaine, Brett canalise les ardeurs de tous les mâles alentour. C'est crédible, n'est-ce pas. Dans la vie, vous en croisez tous les jours des femmes suffisamment irrésistibles pour que tous les hommes, mariés ou pas, tombent amoureux d'elles. Mais Brett prend cela comme argent comptant car, dans un contexte fortement alcoolisé, elle ne réfléchit pas bien et, c'est une femme, donc c'est une conne. Normal, quoi. Pour oublier qu'elle est conne, elle boit.
Ladite Brett inspirant un fol amour à tous les mâles qui croisent son chemin, le pauvre Jake Barnes se toque d'elle à son tour. Mais rappelez-vous, un obus l'a émasculé. C'est con ce qui lui arrive. Brett semble elle aussi attirée par cet homme. Dans un contexte fortement alcoolisé, si le roman était plus réaliste, ils auraient dû niquer malgré tout. Parce qu'il lui reste des doigts et une langue, au Jake Barnes. Mais non. Ils sont cons, ces Ricains. Ils y pensent même pas. Le cuni, ils connaissent pas, ni le touche-pipi. Du coup, nous avons droit à des dialogues insipides qui ressemblent à peu près à ça :
- Oh, Brett. Brett. Je... Oh.
Je te veux, souhaitait-il dire. Elle lui accorda un regard interdit.
- Jake. Je sais... As-tu une autre bouteille de whiskey ?
Jake lui servit un verre. Elle ne disait plus rien. Comme il aurait aimé la prendre. Puis, tout bas, elle avoua :
- Je t'aime. Enfin. Je le crois.
Il détourna le visage et quitta la pièce.
Et voilà, c'est comme ça pendant tout le long. Putain mais qu'il l'allonge par terre, qu'il lui lèche la minette et qu'on en parle plus, bordel de merde !
Par la suite, comme il ne se passe rien, l'auteur a dû se demander par quel miracle insuffler de l'action à ce contexte fortement alcoolisé. Aussi fait-il partir ses personnages en Espagne. Avec quel argent ? Nous n'en savons rien. Un autre homme couche avec Brett, puisque tous les hommes la désirent. Eh oui, ça se passe comme ça chez McDonald's.
En Espagne, les personnages persistent à boire et assistent à des corridas. Les passionnés de tauromachie trouveront enfin un maigre intérêt à ces interminables pages de description du toréador (ton-cul-n'est-pas-en-or) et des grosses vaches transpercées par les flèches phalliques que Jake Barnes ne peut point envoyer à Brett. Quelle putain de symbolique. Flatteur pour Brett d'être assimilée à un bovin, cela dit.
Or, pour prolonger la symbolique, notre amie Brett tombe amoureuse d'un toréador, qu'on ne voit jamais parler ni rien faire mis à part la corrida. Forcément, il n'est pas Américain, donc il n'a aucune importance. D'ailleurs, la plupart des Espagnols et des Français présents dans le livre n'ont aucune ligne de dialogue, ni la moindre importance. Leur seul rôle se limite à servir les Américains. Belle mentalité.
Ledit toréador n'a pas un cul en or, mais il tombe lui aussi amoureux de Brett vu qu'elle est irrésistible et tout et tout. Leur idylle semble passionnée selon le peu qu'on en sait.
Brett largue le toréador. A vrai dire elle largue un peu tout le monde car, dans un contexte fortement alcoolisé, la constance reste une valeur rare. En outre elle ne pouvait pas rester avec le toréador, qui est Espagnol donc insignifiant. Elle est une Américaine blanche, elle va pas se maquer avec un étranger, faut pas déconner. D'ailleurs à un moment elle se tape un juif et c'est pareil, elle ne l'aime pas car bon, c'est un juif, elle une WASP blanche, faut pas déconner non plus.
Et puis... voilà.
C'est fini.
Je veux dire, quel intérêt a cette histoire ? Constituer un document historique sur les bourgeois Américains chiants puritains xénophobes des années vingt ? Peut-être. Mais dans ce cas, même Gatsby le magnifique me semble moins chiant (à la différence près que le contexte est légèrement moins alcoolisé chez Gatsby et que les héros ne sont pas xénophobes mais tout simplement prolétarophobes - ce qui souvent revient au même, je vous l'accorde).
Non, vraiment, je vois pas. C'est un des livres les plus chiants que j'ai dû lire (avec Gatsby).
Si toutefois vous êtes passionnés par les contextes fortement alcoolisés et par la corrida, bon, vous pouvez toujours essayer de le lire.
Dans le cas contraire, je vous le déconseille au plus haut point.
Retrouve ton ami Stoni