Blog d'un jeune écrivain... en direct depuis les tréfonds de la praxis. Ma vie matérialiste, ma cigarette électronique, du marxisme-léninisme et tous mes malheurs d'auteur publié.
La tronche que tu tires quand tu t'es fait plagier.
Je reçois maintes missives électroniques de mes lecteurs. Ces jeunes et moins jeunes gens, qui écrivent, me narrent leurs déboires d'auteurs – édités ou pas encore édités. Le sujet le plus récurrent reste, bien entendu, les tortures immondes imposées par les éditeurs.
Sinon, un autre thème revient : celui du petit plagiat.
Pour moi, il y a deux sortes de plagiat.
Le gros plagiat, ou le type qui te pompe tout un bouquin : le concept, les personnages, l'histoire, le début, le dénouement, à quelques variantes près.
Quand cela t'arrive, tu peux toujours poursuivre le type au tribunal, et lancer une procédure qui durera des années, te coûtera un max de pognon et dont l'issue est incertaine.
Cela reste, heureusement, assez rare.
Nous trouvons ensuite le petit plagiat, beaucoup plus fréquent.
Dans le petit plagiat, le type se contente de te piquer une ou deux idées. Un concept. Un personnage. Ou plusieurs. Un truc narratif, un truc scénaristique, un truc, quoi.
Quand cela t'arrive, il est absolument inutile – à mon sens – de poursuivre le type au tribunal. Il ne s'agit pas d'un plagiat. Le mec t'a piqué un truc, deux trucs, trois trucs. Et alors ? Tu n'as pas fait la même chose quand t'as lu Bidule Chouette, Philip K. Dick, ou la Bible ? Sans déconner, la Bible est pillée sans arrêt. Les pauvres prophètes qui se sont fait chier à la propager par voie orale, voilà plusieurs milliers d'années, seraient dégoutés en contemplant l'étendue des dégâts. Regarde Terminator, qu'est-ce que c'est sinon un remake du massacre des Innocents ?
Bref.
Tel les patriaches bibliques, tout auteur se verra un jour ou l'autre pomper une idée.
Je considère que le petit plagiat est une sorte de rituel initiatique du monde de l'édition. Un dépucelage.
J'y suis moi-même passé.
D'où qu'il vienne, le petit plagiat ne fait pas plaisir.
Mais il t'énerve particulièrement quand il a été commis par un écrivain que tu ne peux pas encadrer. C'est ce qui m'est arrivé.
Disons que j'avais publié un roman qui se déroulait dans une usine de chocolat. Mon éditeur me dit à l'occasion : " oh tu sais, Bidule que je viens de signer, eh bien il a lu ton bouquin dans l'usine de chocolat et il a beaucoup aimé ". Deux ans plus tard, je découvre que Bidule fait paraître un bouquin qui se déroule lui aussi dans une usine de chocolat. L'histoire n'est pas la même : le décor, si. Faut dire qu'elle était bien, cette idée d'usine de chocolat – la mienne ! - et que pas mal de lecteurs m'avaient dit que ça rythmait bien le roman et tout.
Ben ouais, elle était tellement bien que Bidule nous a pondu une deuxième petite usine de chocolat, chez le même éditeur qui plus est.
Wallah.
C'était mon idée, putain. Mon idée à moi ! IL AVAIT PAS LE DROIT DE ME LA PIQUER, CE BIDULE A LA CON !
J'ai été super véner pendant une semaine ou deux.
Et puis ça m'a passé.
Aujourd'hui, j'y repense avec curiosité, et presque avec fierté. Sans déconner. Je peux au moins me vanter qu'on m'ait piqué une idée. C'est mieux que rien, non ?
Sérieux, je considère que le petit plagiat est un passage obligé. Si cela t'arrive, ne sois pas idiot à ma façon : ne plonge pas dans une fureur noire. A quoi bon ? Prends-le plutôt comme tout petit plagiat doit se prendre : comme un compliment. Souviens-toi que la vengeance est un plat qui se mange froid. Dans quelques années, quand ton bouquin petit-plagié et celui du petit-plagieur auront été oubliés, tu croiseras ce fourbe voleur dans un salon, lui serreras la main avec un grand sourire et déclareras d'un ton bonhomme : "Vous aussi vous donnez dans les usines de chocolat, m'a-t-on dit ?". Et, peut-être, tu te délecteras de la tronche déconfite qu'il aborera.
Mais, tu sais quoi ?
Il y a encore plus de chances pour que, dans quelques années, tu aies tout oublié et que tu ne remarques même pas le nom du plagieur sur la liste des auteurs invités au salon.
On s'habitue vraiment à tout. Surtout dans un milieu comme l'édition.
Toi aussi, plagie Stoni