Blog d'un jeune écrivain... en direct depuis les tréfonds de la praxis. Ma vie matérialiste, ma cigarette électronique, du marxisme-léninisme et tous mes malheurs d'auteur publié.
Souviens-toi, ô camarade lecteur. Voici plusieurs semaines, je relatais un sinistre épisode de mon enfance. J’avais huit ans et j’avais annoncé à des « camarades » de classe que mes parents m’offriraient la Super Nintendo pour mon anniversaire. Ces dits camarades m’avaient alors froidement répondu : « non, tes parents t'ont menti, tu l’auras pas, t'es trop pauvre ».
Mais Fortuna, déesse ô combien surprenante, me réservait l’occasion délectable d’une vengeance en bonne et due forme.
Depuis que je suis tout petit, je suis fasciné par la première trilogie de la Guerre des Etoiles. Ma grande sœur et moi avions des figurines des principaux personnages des films. J’avais même l’Amiral Ackbar. Hélas, nous n’avons jamais eu le Faucon Millenium ni le Quadripode impérial. Nous étions toutefois bien fournis. Nous avions la navette de Darth Vador. Et tous les ewoks.
Ces jouets ont été commercialisés jusqu’en 1985. Il ne fallait pas louper le coche.
Le truc qui te rend dingue, quand t'es gosse...
Pour les enfants de mon âge, nés en 1983, rares étaient ceux qui furent assez réactifs pour réclamer les jouets entre zéro et deux ans. Et bien peu avaient vu les films dans ce court délai.
Or, grâce à ma sœur de trois ans mon aînée, je disposais d’une formidable collection Starwars et je connaissais déjà les films par coeur.
Mes camarades découvrirent Starwars sur le tard, à l’âge de six ou sept ans.
C’est en 1991 que le drame petit-bourgeois du « blocus Wicket » se produisit.
Mes congénères qui découvrirent la trilogie à cette époque, n’avaient donc pas de jouets Starwars, ceux-ci n’étant plus disponibles dans le commerce depuis un sacré paquet de temps.
Sous les auspices de Fortuna et de George Lucas, je pris ma revanche prolétarienne.
Un des « camarades » de classe qui m’avaient traité de pauvre lors de l’épisode Super Nintendo, que nous appellerons Julien, m’invita à sa fête d’anniversaire. J’étais alors dans une phase Starwars et j’apportais mes figurines d’ewoks partout où j’allais.
Pour les malheureux qui ne connaissent pas, les ewoks sont des sortes de petits oursons sympas dont les enfants raffolent, présents dans le dernier volet Le retour du Jedi.
Des modèle sains pour construire
sa personnalité
Lors de l’anniversaire, je fis sensation avec mes ewoks. Ils séduisirent tant que Julien oublia les magnifiques cadeaux offerts par ses parents : l’île au trésor Playmobil, le ranch Playmobil, soit, plein de trucs de malade. J’étais muettement stupéfait par sa chambre. Jamais je n’avais autant vu de jouets canon au mètre carré. Lorsque ma mère vint me chercher en fin d’après-midi, je récupérai mes figurines d’ewoks. Le drame petit-bourgeois éclata. Julien me raccompagna, avec sa propre génitrice, jusqu’au pas de la porte et m’ordonna de lui prêter Wicket.
Wicket, le plus petit des ewoks, le plus mignon, le plus cool, le plus marrant.
Je répondis :
- N-o-n.
Un non propre, sec et net. Julien le prit mal et demanda plus poliment. Je refusai encore.
A cet instant, il explosa en larmes.
- Prête-moi Wicket s’il te plaît ! Wicket ! Je veux juste Wicket ! Juste pour cette nuit, je te le rendrai demain à l’école !
J’observai, impassible, ces larmes abondantes en goûtant une savoureuse satisfaction. La mère de Julien intercéda :
- Allez Stoni, prête-lui ta figurine, je ferai attention à ce qu’il te la rende demain à l’école.
- Non.
Julien pleura de plus belle. Le putain de caprice, je veux dire. Un truc de ouf. Il devenait tout rouge, il ne respirait plus. Ma mère me suggéra à son tour de prêter Wicket.
- Tu vois bien que ça le rend triste, lui aussi il voudrait bien avoir un Wicket.
- Non.
Sans déconner, les ewoks – et spécialement Wicket – c’est pas un truc qui se prête. Du moins pas à ce petit con qui m’avait traité de pauvre. Je restai ferme, campé sur ma décision. Un putain de blocus communiste. Finalement, ma mère m’emmena et nous laissâmes Julien éploré.
Le lendemain à l’école, Julien vint me demander pourquoi j’avais eu la cruauté de ne pas avoir prêté Wicket.
- T'es pas sympa, je t'avais invité à mon anniversaire !
Et là, en le regardant droit dans les yeux, je lui ai asséné :
- Tes parents sont riches, ils pourront t'en acheter un, t’as qu’à leur demander.
- Mais ça se vend plus !
- Ah ? Alors dommage pour toi.
Il redevint tout rouge, le regard humide. J’ai souri et je me suis éloigné sans me retourner.
Ô, rare victoire de classe ouvrière !
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