Blog d'un jeune écrivain... en direct depuis les tréfonds de la praxis. Ma vie matérialiste, ma cigarette électronique, du marxisme-léninisme et tous mes malheurs d'auteur publié.
Panique pas : le blog de Stoni est là pour toi.
Cher et vénérable Stoni,
En ce jour, une question m’assaille. Je lis Claude Simon, écrivain au départ oublié qui a reçu le prix Nobel, qui disait que s’il y avait eu toute cette agitation médiatique autour de lui plutôt, ben, il n’aurait pas pu écrire ses chefs-d’œuvre tellement ça lui aurait coupé la chique… Je lis à peu près les mêmes exemples de pression sur ton blog*… Donc, pour quelqu’un d’angoissé comme moi, est-ce que cela vaut le coup d’essayer de se faire publier (si tant est que l’on ait des réponses positives), ou ne vaut-il pas mieux continuer à créer dans toute cette merveilleuse liberté que permet l’anonymat ? C’est la question que je me pose après avoir envoyé des manuscrits aux maisons d’éditions, ce qui montre que j’ai de sérieux problèmes de synchronisation…
Tu me vois ton éternelle obligée,
Une charmante jeune femme.
* Notre amie lectrice doit faire référence à cet article, par exemple.
Comme toujours, notre ami Stoni en mode Saint-Bernard se pliera à l’exercice de la réponse au courrier des lecteurs. Cette réponse est d’autant plus prompte à venir, sachez-le mes chers amis, quand la question a été formulée en termes courtois, voire obséquieux, et tout mâtinés de respect. Elle sera encore plus diligente, ma réponse, si la question émane d’une charmante jeune personne (oui, je ne vous vois pas, mais mon imaginaire demeure).
Aussi répondons à cette jeune femme en l’occurrence charmante – comme quoi le hasard fait bien les choses – en deux temps.
Premier temps de réponse.
En effet, charmante jeune femme, ton manque de synchronisation m’atterre. Attends qu’on te propose un putain de contrat d’édition pour te poser de telles questions existentielles !
Deuxième temps de réponse.
Admettons que tu me poses cette question alors que tu te vois bel et bien proposer un contrat d’édition.
Évidemment, tout le monde se la pose, cette question. Avec, entre autres questions relous… Mon roman va-t-il rencontrer son public ? Vais-je arriver à draguer grâce à ce nouveau statut d’écrivain édité ? Dois-je changer le rouleau de PQ une fois qu’il est fini ?
(A la dernière, la réponse est oui. Je vous assure, quand le rouleau est fini et que la personne laisse en plan le pauvre cylindre de carton sur le distributeur, ben putain ça fait grave chier celui qui vient après. Les autres questions trouveront leur réponse dans un avenir proche.)
Est-il préférable de rester dans l’anonymat lorsqu’on est peu sûr de soi ?
Permets-moi d’être direct, jeune lectrice. Le problème, c’est que si tu étais si peu confiante, si peu sûre de toi, tu n’aurais pas envoyé tes petits manus par la poste, alors c’est un peu tard pour jouer les pucelles effarouchées.
En outre, l’exemple du prix Nobel est le mauvais exemple par excellence. Personne ne décroche un prix Nobel en début de carrière. D’ailleurs, tu as de grandes chances pour que ton premier roman édité ne décroche rien : ni lecteurs ou si peu, ni coupures de presse, ni que dalle (voir mon article sur les ventes de premier roman). Même lorsque l’on est édité par une maison correcte, voire par un grand éditeur, se faire connaître reste une mission fort difficile.
En revanche, ce premier roman édité va te foutre un sacré coup dans tes habitudes d’écriture, ça, c’est certain.
Pendant quelques mois, tu vas être totalement absorbée par ce roman et les choses à reprendre dessus, puis par le processus éditorial, et tes autres projets seront abandonnés du jour au lendemain.
Une fois ce processus éditorial terminé, quand le bouquin sera paru et tout et tout, eh bien il se peut que tu mettes un certain temps à recouvrer ta faconde littéraire – rassure-toi, rien de plus normal. Personnellement, pour ma première parution, j’ai mis six mois avant de pouvoir travailler sur autre chose. J’étais tout remué d’un point de vue écriture. L’expérience du premier roman est tellement prenante, il est très difficile de transiter vers un nouveau texte. D’autres auteurs mettent parfois un an ou deux avant de pouvoir entamer un autre manuscrit.
Quant aux critiques, je conseille bien évidemment de ne pas les lire dans la mesure du possible… Comme j’en parlais dans cet article, elles n’apportent pas grand-chose, y compris quand elles sont positives. On peut lire les premières pour s’amuser mais, à mon avis, mieux vaut les éviter par la suite. Scruter la moindre ligne pondue sur son roman, que ce soit dans les journaux ou sur les forums de lecteurs, devient rapidement un exercice fort glauque d’égocentrisme.
Quant aux lecteurs lors des signatures, en général ils viennent vous voir pour vous dire du bien de votre livre. Tous ceux qui m’ont contacté par internet le faisaient pour me confier des choses positives.
Méfiez-vous aussi des messages de confrères que vous pourrez recevoir, surtout s’ils sont dithyrambiques. Bon, c’est cool, ça fait plaisir, surtout quand ledit confrère est plus âgé et plus réputé, mais il faut savoir s’en foutre un peu. Moi, les adoubements, ça me fait relativement chier.
Voilà l’erreur que j’ai commise lors de mes tous premiers romans. Je me suis trop intéressé à ce qu’on écrivait / disait sur mes bouquins. Aujourd’hui, si c’était à refaire, je me protégerais davantage.
Bien sûr, il s’agit là de mon opinion personnelle. D’autres auteurs doivent probablement se régaler des critiques, c’est tout à fait leur droit.
Quant à moi, je considère tout cela comme de l’agitation mentale et de l’énergie perdue. L’important est de travailler, de fournir une œuvre – du moins quand on est inspiré ! L’important c’est la relation que l’on a avec son éditeur, puisque, si elle est confortable – ce qui est rare – le travail d’écrivain se déroule d’autant mieux. L’important, c’est de trouver un lectorat, donc de pouvoir poursuivre son cheminement littéraire, petit à petit. Ensuite, ce que les autres disent de vous… Il y en aura toujours qui aimeront et d’autres qui haïront. Vous n’y pourrez rien. Voyez un peu comme j’ai taillé ce pauvre Hemingway et son soleil de plomb. Pourtant, des millions de gens ont adoré ce bouquin. Ben pas moi. C’est ainsi.
Tout ce qui va se passer lors d'une première expérience d'édition va obligatoirement remuer un auteur, et quelque part, c’est une bonne chose. Il faut en passer par là.
Je ne crois pas que ces petites turbulences pourront vous couper la chique définitivement. Elles vous la couperont quelque temps, mais voilà une période qui pourra s’avérer salutaire par la suite.
Car, n'oubliez pas : il faut bien savoir se reposer de temps en temps…
Rejoins les forces stonistes-léninistes
sur Facebook