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26 mai 2010 3 26 /05 /mai /2010 15:16

 

 

 

 


editeur telephone


 

Suite des articles :


L'aventure de ton manuscrit dans une maison d'édition (ou : le critère de sélection, c'est la nature de la partouze) 


 A l'aide, un éditeur m'a rappelé ! (ou : c'est là où les emmerdes ont commencé)






Retrouvons notre ami Oussamo Bonladon, auteur du manuscrit Le Grand roman champêtre.


Dans la quiétude de son bunker, Oussamo reçoit un appel sur son téléphone portable. Nous savons qu'il a inondé la France de son manuscrit, visant une foultitude de maisons d'édition.

Oussamo empoigne son téléphone. L'indicatif du numéro entrant sur l'écran est celui de Paris.

Que diable !


- Allô ?

- Bonjour j'aimerais parler à Monsieur Oussamo Bonladon.

- Oui c'est moi, bonjour monsieur !

- Je suis Monsieur l'Editeur, j'ai reçu votre manuscrit. Mon petit Oussamo, j'aimerais vous éditer ! Si vous êtes toujours à la recherche d'un éditeur, évidemment !

- Bien sûr !

- Vous n'avez pas eu d'autres retours ?


Maintenant, Oussamo a pris du grade.

Il sait qu'il faut répondre :


- Oui j'en ai eu quelques uns... Mais je reste libre comme l'air. Ces propositions ne correspondent pas tout à fait à ce que je cherche.

- Oh oh ! Puis-je savoir qui vous a contacté ?

- Rien de très important... Mais parlons plutôt de vous !

- Ecoutez mon petit Oussamo, je veux vous faire une « propa » !

Monsieur l'Editeur étant un minimum sérieux, il enchaîne aussi vite :

- Je verrais bien votre roman dans telle collection. Le tirage que je vous propose est de X exemplaires. La parution en librairie serait prévue à tel moment. Je vous offre un à-valoir de X euros. Il y a des retouches à faire, bien entendu...

Si Monsieur l'Editeur est un brin baratineur – ce qui arrive souvent – il ajoutera ensuite :

- Vous savez, je suis en très bonnes relations avec Machin Poche, pour les parutions en poche, donc vous avez de fortes chances de toucher un peu plus d'argent d'ici un an ou deux... Je connais aussi Bidule, qui pourrait être intéressé par une adaptation audiovisuelle (ce qui veut dire un film ou un téléfilm)...

Ces dernière promesses, Oussamo le découvrira bien trop vite, n'ont pas d'autres consistances que celles d'appâter ce jeune auteur inexpérimenté et ô combien influençable.



Pour l'auteur débutant qui attend fébrilement son premier contrat d'édition, c'est l'instant euphorique de son existence.


Laissez-moi casser votre trip : UNE PROMESSE ORALE DE CONTRAT D'EDITION NE SIGNIFIE PAS QUE VOTRE LIVRE SERA EDITE !


A ce moment-là, vous êtes certes sur la bonne voie.

Mais vous n'êtes sûr de rien tant que vous n'avez pas signé ledit contrat – et encore, même dans ce cas-là, c'est pas gagné.


Dans un premier temps, il vous faut rencontrer l'éditeur.

Ce qu'il doit vous proposer lors du premier contact téléphonique, s'il est sérieux.

- Mon petit Oussamo, nous devrions nous voir pour discuter de tout ça !

- Oui oui...

Là, Oussamo commence à être bien emmerdé. Parce qu'Oussamo n'habite pas à Paris, ni dans la banlieue parisienne.

Notre homme se calfeutrant en Afghanistan, il s'interroge sur «  mais qui va payer le prix du billet d'avion ??? ».

- J'ai vu que vous habitiez en Afghanistan, Oussamo... C'est bien loin, dites donc ! Vous avez l'occasion de venir à Paris prochainement ?

- Euh, oui... Je crois... Enfin j'en suis sûr...

- Tant mieux ! J'ai hâte de faire votre connaissance !


Si vous avez la possibilité de vous rendre vite à ce premier rendez-vous, ne traînez pas.

Moins l'éditeur aura le temps de changer d'avis – et de vous oublier, et de découvrir un autre talent – mieux cela vaut pour votre petite personne.

Malheureusement, le coût de votre déplacement ne sera pas pris en charge par l'éditeur. Rares sont les éditeurs professionnels, humains et dotés d'assez de compassion pour vous le proposer spontanément.


Pendant ce temps, l'éditeur ne perd pas le nord.

- Dites-moi Oussamo, vous comptez écrire d'autres livres ou c'était juste une œuvre isolée ?

Question piège.

La plupart des éditeurs se méfient des auteurs de « one shot ». En gros, ils ne veulent pas éditer le mec qui n'écrira qu'un seul livre dans sa vie puis c'est marre. Si vous entrez dans leur ligne éditoriale, les éditeurs attendent que vous pondiez régulièrement des petits bouquins au poil pour leurs affaires. Techniquement, ça ne veut pas dire que vous avez trouvé un employeur à vie. L'éditeur risque fort de refuser votre prochain manuscrit, au cas où il accepterait le premier. Pourquoi ? Parce que le deuxième ne lui plaît pas. Et c'est comme ça. Vos ventes, bonnes ou mauvaises, n'auront aucune influence sur cette future décision.

Quoi qu'il en soit, l'éditeur part du principe que vous êtes un robot et que vous allez forcément lui fournir une grande œuvre littéraire conforme à ses exigences, à l'avenir. Il risque d'être sacrément déçu – et vous aussi. Mais telle est sa façon de réfléchir.

A cette question, si vous souhaitez vraiment être édité, répondez :

- Je ne peux pas envisager ma vie sans écrire. Bien sûr, je compte écrire d'autres livres. J'en ai même déjà un nouveau à l'ouvrage...

Inutile de préciser que vous n'êtes pas censé dire la vérité...


Si tout se passe bien, au terme de votre conversation téléphonique, l'éditeur doit vous donner ses coordonnées complètes. Je les répète une nouvelle fois : numéro de téléphone fixe, numéro de portable, email personnel.

S'il n'a pas le réflexe de le faire, vous devez impérativement les lui réclamer. S'il refuse, ça sent très mauvais pour la carrière de votre manuscrit dans sa maison d'édition...





Les choses à faire avant une première rencontre avec l'éditeur.

 

 

A lire absolument, mon article : comment repérer un éditeur pourri ?

 


 

Tapez son nom sur google et cherchez tout ce qui a été écrit à son sujet. Vous trouverez parfois des témoignages d'auteurs sur leur travail avec lui. Les critiques très très négatives – on en trouve – sauront vous mettre au parfum...

Il ne faut pas non plus trop extrapoler à partir des ces témoignages. Les auteurs sont souvent des gens imbuvables avec qui il est très difficile de travailler – et vice versa. L'intérêt de vous documenter de la sorte est surtout de savoir à quoi vous en tenir. Si vous lisez : « Trucmuche du Seuil m'a brisé, ce gros fils de pute a complètement bousillé mon roman, je ne l'ai pas reconnu quand il est sorti en librairie, je le hais, je compte me suicider », armez-vous de méfiance, de prudence et calculez le moindre de vos pas...


Sur le site web de l'éditeur, jetez un coup d'œil aux auteurs de son catalogue.


S'il s'agit d'une petite maison d'édition, je vous conseille vivement de consulter les comptes sociaux de l'entreprise sur societe.com. Un exemple ici. Vous n'y connaissez rien en comptabilité ? Demandez l'avis du comptable de votre boulot, ou de n'importe qui d'un peu versé dans les chiffres. L'intérêt de la chose, c'est de voir si votre potentiel éditeur ne va pas déposer le bilan dans les mois à venir... Bien sûr, les résultats d'un petit éditeur ne seront jamais mirobolants. Malgré tout, le chiffre d'affaires est une chose qu'il faut connaître.

Sur ce même site, vérifiez les noms des dirigeants. Histoire de savoir si votre interlocuteur est un homme de paille agissant au nom d'une éminence grise...

Enfin, achetez les statuts de l'entreprise. Pourquoi ? Pour identifier les associés. C'est-à-dire, qui exactement a investi du fric dans la maison d'édition. On en apprend parfois de belles, vous pouvez me croire. Vous pourrez aussi trouver quelques petits trucs intéressants : on a des fois les salaires...


Il vaut mieux ne pas trop parler à l'éditeur de vos enquêtes privées de statuts, d'associés et de comptes sociaux, évidemment...


Ensuite, préparez toute une liste de questions.



La première rencontre avec l'éditeur.



Vous ne signerez pas le contrat au cours de cette rencontre inaugurale.

Si néanmoins l'éditeur vous propose la signature, NE LE FAITES PAS. Demandez une copie du contrat pour le lire à tête reposée à la maison. IL NE FAUT JAMAIS SIGNER UN CONTRAT D'EDITION SANS AVOIR PRIS LE TEMPS DE L'ANALYSER SOUS TOUTES SES COUTURES AUPARAVANT !

Mais j'y reviendrai plus tard.


Quel est l'intérêt de cette première rencontre ?

Faire connaissance, tout simplement.


Vous, vous avez plein de questions à poser. Les plus importantes sont celles concernant les corrections à apporter sur le manuscrit.

Eh oui, on ne publiera pas votre livre tel quel. Il y a forcément des choses à changer. Donc, renseignez-vous. S'il s'agit de réécrire la moitié du livre, c'est la moindre des choses que vous soyez au courant, et que vous soyez d'accord...


Vous voulez aussi estimer la bête. Si l'éditeur vous semble dingue, malfaisant, vicieux, ou n'importe quoi d'autre... remettez sérieusement en question votre volonté de travailler avec ce mec.


L'éditeur, de son côté, a exactement les mêmes motivations. Il veut estimer la bête – vous. Histoire de vérifier si vous avez vos deux bras. Si vous tenez la route. Et par curiosité, mater la tronche que vous avez.

Si ça peut vous rassurer, il faut vraiment être braque pour refroidir un éditeur. Il en a vu d'autres, vous savez. Des pires que vous. C'est obligé. Quand vous connaîtrez d'autres auteurs, vous comprendrez mieux ce que j'insinue.

Ne vous sentez pas obligé de faire des efforts vestimentaires... Soyez vous-même. Présentez-vous de la manière où vous êtes le plus à l'aise. L'allure de votre tee-shirt n'a aucune importance (sauf s'il est imprimé des mots : « FUCK ALL THE EDITORS OF THE WORLD ! »).


Au cours de cette rencontre, demandez poliment un contrat type, afin de pouvoir étudier la proposition de l'éditeur.


S'il regimbe à vous le donner... commencez à vous dire qu'il ne vous éditera pas.


Vous allez protester : « Mais pourquoi ce mec m'aurait appelé, me ferait venir dans son bureau, s'il ne veut pas me faire signer de contrat ? C'est impossible ! » Moi, je vous répondrais que ce n'est pas impossible car justement c'est possible. Un éditeur, ça s'emmerde. Un éditeur, ça a des coups de tête, des lubies. Un éditeur, ça peut être quelqu'un de super con. Il est tout à fait capable de vous avoir fait déplacer pour discuter une heure avec vous, puis de vous oublier.

Quand, deux semaines plus tard, à l'article du suicide, vous lui passerez un coup de fil :

- Euh, j'attendais de vos nouvelles ?

Il pourra joyeusement vous annoncer :

- Oh, Oussamo ! Comme c'est dommage, je n'ai pas eu le temps de finaliser votre contrat ! Laissez-moi encore deux mois, vous voulez bien ?

Et vous n'entendrez plus jamais parler de lui.


Justement, ce qui vous intéresse, c'est la signature du contrat.

Normalement, l'éditeur n'a aucune raison de faire traînasser la chose. Celui qui vous endort en prétendant qu'il n'a pas le temps, qu'il ne peut pas encore, gnagnagna... vous feriez mieux de l'oublier et de continuer à envoyer vos manuscrits ailleurs.


Pourquoi la signature du contrat d'édition est-elle si essentielle ?


Il y a deux bonnes raisons à ça :


- C'est un contrat qui oblige l'éditeur à éditer et diffuser votre roman (et qui vous oblige à lui remettre le manuscrit final), contrat qui, s'il n'est pas respecté, se transformera en litige : le contentieux sera du ressort du tribunal de commerce ou du conseil des prud'hommes.



- Le contrat signifie pognon. Quand vous signez, l'éditeur vous paie. Du moment qu'il vous a donné du fric – même une somme misérable – l'éditeur a tout intérêt à éditer votre œuvre.


L'idéal est de repartir de votre premier entretien avec votre contrat type, ou le contrat à votre nom MAIS PAS ENCORE SIGNE.





L'étude du contrat.


Un contrat d'édition est généralement une quinzaine de pages incompréhensibles, dont le message est pourtant simple : vous vous faites grave enculer.


Parmi ces lignes au jargon administratif, judiciaire, commercial, etc... il est dit en gros que vous allez être payé une misère, que vos droits d'auteurs sur votre œuvre seront une misère, que vous êtes un caca et qu'on se demande d'ailleurs pourquoi une maison d'édition a la condescendance d'éditer votre machin infâme.


Autant vous dire que vous avez intérêt à négocier la chose en méchant homme d'affaires roublard, cupide et tatillon.


Si vous avez du pognon de côté, allez voir un avocat spécialisé dans le droit de la propriété intellectuelle, littéraire et artistique.

Bon, je vous préviens, la plupart sont nazes de chez nazes. Mais c'est mieux que rien. Le bonhomme jettera un coup d'œil sur le contrat et vous signalera les clauses dangereuses pour vous (et il n'y a que ça).

La note d'honoraires pourra facilement grimper à plusieurs centaines d'euros...

Son boulot, c'est de vous expliquer les phrases sibyllines et de vous suggérer les modifications à apporter.


Un auteur, même débutant, même inconnu, est tout à fait en droit d'exiger des modifications sur son contrat d'édition.


L'éditeur, s'il est un minimum professionnel, ne le prendra pas mal. Au contraire, il vous trouvera drôlement compétent et sera tout impressionné.


Dans le florilège des insanités des contrats d'édition, voici les points les plus sinistres, sur lesquels votre attention doit redoubler.


Prix de la cession. Droits d'auteur. C'est un pourcentage sur le prix public hors taxes du bouquin. S'il est situé en dessous de 6 %, c'est vraiment du foutage de gueule ! Minimum 7 % ! 8 %, correct mais radin. Au-delà, validez.

Vous verrez qu'en général le pourcentage est progressif, par tranches d'exemplaires vendus. Plus vous vendez d'exemplaires, plus vous touchez. Fixez impérativement un nombre de ventes maximum pour la plus haute tranche. On ne sait jamais, vous avez peut-être écrit le nouveau Harry Potter. Et ça la fout mal de toucher que 12 % sur trois millions d'exemplaires vendus.

Si vous dépassez le nombre de ventes de la plus haute tranche, vous n'aurez qu'à renégocier votre contrat.

Le contrat prévoit normalement un pourcentage unique pour les poches, qui est ridicule (genre entre 4 et 6 %). Cela s'appliquera si votre livre est, plus tard, édité en poche. Là, y'a pas grand-chose à faire. C'est comme ça, vous toucherez que dalle ou presque.


Droit d'exclusivité ou de préférence. REFUSEZ ABSOLUMENT CETTE CLAUSE.

Je vous explique.

La clause de préférence vous oblige à faire éditer vos X prochains romans chez l'éditeur, et pas ailleurs. Problème : si l'éditeur refuse le manuscrit, vous ne pourrez plus rien en faire ! C'est du vol, c'est honteux, c'est abusif, c'est lamentable, mais c'est une tradition.

Demandez le retrait de ce pacte.


Provision pour retour sur le compte d'auteur. Vous allez voir c'est goûteux.

Les retours, ce sont les exemplaires que les libraires ne vendront pas. Au bout d'un moment, ils les renvoient à l'entreprise qui s'occupe de distribuer et diffuser votre livre. Et là, avec cette clause, c'est vous qui devez financer les invendus ! On vous prend du fric sur votre compte d'auteur ! C'est la fête du slip totale ! Si le bouquin ne se vend pas, c'est pas de votre faute, c'est l'éditeur qui a mal fait son boulot. Demandez le retrait de cette chose infâme, honte de l'humanité.


Les choses à rajouter. Exigez un droit de regard sur la couverture, la quatrième de couverture et le titre définitif de l'ouvrage. Ça la foutrait mal que votre livre s'appelle d'un coup « GROSSE PARTOUZE CHEZ LES UNIJAMBISTES ! » avec une photo super trash en couv, et qu'en quatrième de couv (le truc qu'il y a derrière le livre) on vous décrive comme un acteur de porno proxénète encarté à l'UMP. Sérieusement, vous risquez d'avoir de mauvaises surprises.

En outre, demandez la possibilité de récupérer vos exemplaires en cas de pilonnage. Le pilonnage, c'est merveilleux. Quand le bouquin ne se vend pas, il coûte de l'argent à l'éditeur, pour financer le stock. Ben ouais, faut bien les foutre quelque part les deux mille exemplaires de votre chef d'œuvre. Et l'éditeur il paye l'entrepôt. Alors, il veut tout faire détruire. C'est ça, le pilonnage (parfois il a une autre utilité mais cela ne nous concerne pas à cette étape).

Je considère qu'un auteur a la prérogative fondamentale de récupérer ses exemplaires (ou le maximum d'exemplaires) avant pilonnage. Si vous avez envie de vous construire un igloo avec, vous avez le droit, bordel de con ! Par contre, vous devrez payer chaque exemplaire. Donc fixez un prix dans le contrat (genre inférieur à 25 % du prix public HT).


Les éléments que le contrat doit absolument comporter.

La raison sociale de la maison d'édition, les noms et adresses des signataires, le délai qu'a l'éditeur pour éditer ET DIFFUSER votre livre, le montant de votre à-valoir, le prix de la cession (droits d'auteur, le pourcentage dont on a parlé).

J'en oublie sûrement, je les rajouterai à l'occasion.


La négociation, faites-la en douceur. Présentez vos arguments avec humour. Faites passer vos exigences de droits de regard pour de la curiosité sur le travail éditorial. Essayez d'être ferme, mais courtois.

Ne soyez surtout pas sur la défensive, et encore moins agressif...


La signature du contrat.


Soit vous retournez voir l'éditeur (et les frais de déplacement seront toujours pour votre pomme), soit il vous envoie le contrat signé par la poste, pour que vous le gribouilliez à votre tour et le lui retourniez.


A ce moment-là, l'éditeur doit impérativement vous remettre le chèque de votre à-valoir.


VIVE LE FRIC !!!!


Bon, soyons honnêtes. Vous serez payé une misère.

Pour un premier roman, les tirages tourneront autour de mille à trois milles exemplaires à tout casser. Ce qui correspond à un à-valoir de mille à deux mille euros.

Quand on reste dans ce genre de sommes ridicules, demandez à ce qu'il vous soit versé en une seule fois – en faisant pleurer dans les chaumières sur le remboursement de votre crédit revolving destiné à acheter un berceau pour le petit orphelin que vous avez trouvé entre deux poubelles et que vous avez adopté.

Faut pas déconner, mille balles, ils vont pas te les verser en quarante mille fois.

Si l'à-valoir est en-deçà de mille euros, c'est du pur foutage de gueule. Faut fonder un syndicat, là.



J'ai signé mon contrat, je suis sûr d'être publié ?


FAUX !


Faux, parce qu'il y a un truc qui fout grave la merde : le manuscrit final.


Eh oui ! La tradition veut que dans le contrat, il soit question d'un manuscrit final. Qu'est-ce que c'est ? C'est votre manuscrit corrigé et retouché selon les exigences de l'éditeur.

Ces corrections peuvent passer du simple au triple. L'éditeur est en droit de vous demander de réécrire entièrement votre livre. Ou bien, il vous demandera seulement de couper la fin de tel chapitre, de rajouter telle description.

La plupart des contrats d'édition prévoient la possibilité, pour l'éditeur, de refuser le manuscrit final. Ben ouais, ça lui a pas plu, la moitié du livre que vous avez réécrite.

Dans ce cas, il y a quand même une bonne nouvelle : vous gardez votre pognon (d'où l'importance d'être payé dès la signature du contrat) ! Vous récupérez vos droits, donc vous pouvez aller chercher l'aventure éditoriale ailleurs.


Alors, un bon conseil.

N'organisez pas de sauterie, ne claironnez pas sur tous les toits que vous allez être édité, tant que vous n'êtes pas sûr de votre coup.




 

 



Il y a encore bien d'autres choses à dire sur ce qui vous attend.


Par la suite, vous allez en voir des vertes et des pas mûres. Vous irez de désillusion en désillusion. Mais ça le fait quand même, parce que mes lecteurs, vous êtes des gens bien, vous prenez les choses de façon positive, vous êtes des battants, des durs de durs, et vous savez que l'humour et la poésie sont surdéterminants.


Si vous le permettez, j'y reviendrai dans un prochain article : Mon roman va être édité (ou comment je me suis foutu tout seul dans une merde monstrueuse).











 

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3 mai 2010 1 03 /05 /mai /2010 17:31

bureau.jpg

 


 




Tout écrivain un tant soi peu casanier rêve d'une chose : avoir son propre bureau.

Par bureau, j'entends une pièce dévouée à l'activité littéraire, chez soi. L'équivalent de l'atelier du peintre, comme l'a récemment si bien évoqué notre ami Narcisse Steiner.


Pour l'instant, je n'ai pas de bureau.

Et je n'en aurai probablement jamais.


Je travaille dans mon salon. L'après-midi en semaine, je suis seul chez moi et ne suis pas dérangé. Le samedi et le dimanche, Aniki a la bonté, la patience et la prévenance de ne pas faire de bruit, lorsque j'écris. Sa présence dans le salon m'est plutôt une source de soutien (voire d'inspiration) qu'un désagrément.


Pour travailler, j'ai besoin d'une table, de mon ordinateur portable, d'un siège, d'un cendrier et de mes cigarettes.

Tout cela est casé contre le mur, entre deux fenêtres.


La table est un modèle bas de gamme suédois IKEA « STROKLÜNG », qui depuis peu me tape sérieusement sur les nerfs. J'avais pris la moins chère, en emménageant : je me retrouve avec un truc en PVC blanc laqué copieusement hideux. Comme il m'arrive de dessiner, la table est recouverte de taches de feutre noir. Un pied est bancal, aussi ai-je glissé, dessous, un carton plié en quatre pour la maintenir stable.

En revanche, j'ai dépensé davantage dans mon fauteuil pivotant vachement classe qui fait trop intellectuel. Bon, en réalité, c'est un fauteuil rond pas très cher non plus, mais relativement confortable.

Le problème, c'est que j'ai un petit appartement. Et que la chaîne hi-fi se trouve sous la table blanche, ce qui me bouffe la moitié de l'espace où je suis censé glisser mes pauvres petites jambes.


Sur la table, se trouvent : l'ordinateur portable, mon dictionnaire Lexis, mon cendrier, mon paquet de clopes, un briquet, mon téléphone portable, mon agenda, une trousse remplie de feutres noirs et de critériums, puis, des bouquins (en ce moment, une biographie de Marat et le Dictionnaire historique de la Révolution française dirigé par Albert Soboul).


Sur le mur face à moi, j'ai affiché toute une série de photocopies établissant la chronologie de la Révolution française, depuis 1770 jusqu'à la fin de 1794. Les années sont surlignées au marqueur, afin que je puisse repérer rapidement celle qui m'intéresse.


Plus haut sur le mur, sont fixées deux étagères en bois. Toutes les deux supportent ma modeste collection d'ouvrages sur la Révolution française. Nous touchons là au point qui perturbe tout mon rangement bibliothécaire : j'ai des tendances psychorigides (des tendances seulement). J'y reviendrai plus tard.


Sur l'étagère du haut, se trouvent les ouvrages sur l'histoire générale de la Révolution, sur l'historiographie révolutionnaire, les biographies.

Sur l'étagère du bas, les ouvrages sur le Paris révolutionnaire, sur Thermidor, sur le jansénisme, sur la sociologie révolutionnaire (jacobinisme, mentalité, évolution des mœurs, déchristianisation, sans-culottisme), sur le Comité de Salut Public (CSP pour les intimes), sur les colonies, les ouvrages portant sur une année spécifique (1789... jusqu'à 1794) puis sur la vie quotidienne au temps de la Révolution française – et même sous le Directoire. (Hélas, mes magnifiques livres illustrés « La Révolution française, Images et récits » ont dû, en raison de leur volume, être alignés sur le linteau de la cheminée.)


Les deux étagères sont séparées par un portrait de Rousseau, Parrain De Mon Blog, que j'ai encadré (et j'ai d'ailleurs peint le cadre avec mes gentilles mimines attentionnées).



Je range mes livres par thèmes et par auteurs. Je ne supporte pas de les mélanger – sinon je mets des heures à les retrouver – donc chaque étagère est dévouée à un ou plusieurs thèmes donnés. Certaines étagères sont à moitié remplies, d'autres pleines à craquer.

Par exemple : je mets ensemble, côte à côte, tous mes Pasolini, tous mes Jean Genet, tous mes Volodine, tous mes Philip Roth... Sachant que j'ai créé des hiérarchies générales du genre : « poésie », « littérature », « littérature française 19ème », « littéraire française contemporaine », « littérature américaine », « policiers », etc.

Le problème, c'est que j'ai un petit appartement (bis) : j'ai réparti les bouquins entre la chambre et le salon.

C'est le gros bordel, laissez-moi vous le dire.

Toute la littérature est rapatriée dans la chambre, où mes meubles de rangement sont sur le point d'exploser. Un système alternatif provisoire a donc été instauré, à partir de cartons collés les uns sur les autres, et de cagettes de fruits. Des livres ont dû être relégués au secret dans un placard, chose d'autant plus cruelle et impardonnable qu'il s'agit de mes romans préférés (Chester Himes !). Je n'aime pas enfermer des livres dans un placard. Dès que tu veux vérifier un truc, tu mets beaucoup plus longtemps à consulter ton stock.

Dans le salon, l'étagère dévolue à « Histoire de l'URSS » n'a toujours pas été achetée, et les bouquins afférents traînent donc dans une malle temporaire. Comble de la honte, j'ai dû ranger mes Gore Vidal DANS LE SALON (alors que c'est de la littérature) à côté de la catégorie « Philosophie » - bref, Gore Vidal coudoie Kant. Ça ne me plait pas du tout. Ne serait-ce que pour Kant, meskin, il va être traumatisé au bout de cinq ans.

Fort heureusement, mon étagère « Karl Marx (et autres études marxistes) » n'a pas été profanée (pour l'instant).


Ensuite, mes archives éditoriales de manuscrits, de dossiers, sont mal rangées sur le rebord d'une fenêtre, en compagnie d'un magnifique portrait de Robespierre (Parrain De Mon Blog) encadré, et d'un autre d'Aniki et moi (c'est d'ailleurs la seule photo de nous qui se trouve exposée dans notre appartement).




Travailler dans le salon, ça ne me gêne pas.

La chose qui me fait envie, c'est une pièce où ranger mes bouquins. Une bibliothèque.

Bien sûr, si j'en avais une, je serais tenté de m'y installer pour écrire.

Mais, quand Aniki est là, j'aime travailler dans sa proximité. Ce qu'il me faudrait, tout compte fait, c'est un grand salon – genre, avec une alcôve. Pour installer une bibliothèque digne de ce nom. Avec des étages super hauts, plein de rayonnages et tous mes bouquins pas mélangés et bien classés comme je l'aime.

Le bureau idéal serait un super grand salon-bibliothèque-bureau.


Sauf que je l'ai pas, le super grand salon-bibliothèque-bureau.

 

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20 avril 2010 2 20 /04 /avril /2010 15:47

 




Suite de l'article L'aventure de ton manuscrit dans une maison d'édition (ou : le critère de sélection, c'est la nature de la partouze)


 

editeur telephone



Vous avez envoyé votre manuscrit en trente-six exemplaires, inondant la France et la Navarre de votre prose.



Et, au bout d'un délai fort variable (une semaine à un an, voire plus...), un éditeur (ou un directeur de collection) vous appelle.


C'est là que les emmerdes vont commencer sérieusement, pour vous.

Croyez-moi, vous vous êtes foutu dans une belle merde. Et vous allez morfler joliment dans les mois, les années, qui suivront.


Je vous explique tout, bien entendu. Retrouvons notre ami Oussamo Bonladon et ses pérégrinations en compagnie de son manuscrit Le Grand roman champêtre.



Le coup de fil de l'éditeur


Oussamo est tranquille dans son bunker, en train de jouer au bridge.

Là, son téléphone portable sonne.

Oussamo jette un coup d'œil à l'écran du téléphone : 01 88 99 44 55. Mais qui donc peut l'appeler de Paris ?


- Allô ?

- Bonjour j'aimerais parler à Oussamo Bonladon.

- Mais c'est moi ! Bonjour.

- Je suis ravi de vous parler, Oussamo. Je suis Monsieur l'Editeur, j'ai reçu votre manuscrit Le Grand roman champêtre. Avez-vous trouvé un éditeur depuis ?


Bien sûr, Oussamo, en candide jeune écrivain inexpérimenté, répondra « non ».


- Ah c'est une bonne nouvelle pour moi, Oussamo ! Je suis très intéressé par votre manuscrit ! Quel talent ! C'est la première fois que je lis un manuscrit avec une partouze entre humains et lombrics. C'est très original ! Je suis enchanté.

- Ah oui, vraiment ?

Oussamo sue tout ce qu'il peut, le pauvre homme.

- Oui, c'est magnifique ! Vingt-cinq ans de métier, jamais vu ça ! Dites-moi sérieusement, vous n'avez pas eu d'autres retours d'éditeurs ? Peut-être que vous êtes en train de négocier, ou en train de travailler avec quelqu'un d'autre...

- Non, j'ai eu aucun retour... mis à part votre appel, bien sûr...

- Ah ah ! (très enthousiaste) Vous savez, ça m'a fait penser à Mouchaï Tsètsèv, votre roman. Le même genre d'écriture, percutante, la même exploration sans concession des vanités humaines... Vous connaissez Mouchaï Tsètsèv ?

- Euh... Oui... Enfin non...



Interrompons ici cette première conversation téléphonique.

Des choses très importantes sont à dire.


Premièrement, dans cette situation-là, vous allez tomber de votre chaise, vous mettre à trembler et à respirer par la bouche.

Votre élocution aura ainsi de fortes chances d'être désastreuse, vos propos incohérents, vos réponses stupides.


Ce n'est pas grave. L'éditeur est habitué à terroriser des auteurs débutants. Nous réagissons tous de la même manière, ou presque.

Les réponses monosyllabiques ne le refroidiront pas.


Il y en a même qui sont incapables de parler, au premier appel.

- Oussamo ?

- …..

- Oussamo je ne vous entends pas ?

- ….. Peux pas. …...... parler......

- Ah ah ! Vous êtes émotif, mon cher !

- …....

- Reprenez vos esprits, je vous rappelle demain !

- …..

- Au revoir.

- …...........


Là encore, ce n'est pas la fin du monde. L'éditeur – s'il est sérieux et réellement intéressé – vous rappellera.


Vous allez être tout chose, car vous considérez l'éditeur comme une sorte de thaumaturge capable de transcender votre vie.

Dans un sens, vous avez raison, mais il va surtout la transcender pour y foutre la merde.


Ne voyez jamais un éditeur comme un mec « sympa », qui « veut vous aider ». C'est plus facile à écrire, à dire, à conseiller, qu'à faire, j'en conviens. Mais essayez de vous mettre ce fait dans votre petite caboche, dès l'instant où vous envoyez des manuscrits par la poste : l'éditeur cherche son intérêt. Il ne va pas vous « sauver la vie », vous « faire sortir de l'anonymat », vous « prendre par la main ». Il va démolir votre vie, renâcler à vous faire sortir de l'anonymat et avant tout jalouser votre main, celle qui écrit.

Il faut réellement envisager la chose comme si vous cherchiez un travail. Moi, quand je cherche du travail, je pars du principe que j'organise un mariage de raison, et non pas un mariage d'amour. Je cherche un mec qui a besoin de moi. De l'autre côté, l'employeur cherche un salarié qui a besoin de lui. Je me méfie de l'employeur comme de la peste, étant donné que le rapport de forces est nettement à son avantage (c'est lui qui a les moyens de production et l'argent de mon salaire, et en plein chômage de masse, j'aurais du mal à mettre en œuvre mon seul moyen de pression : la grève). S'il me respecte, et que je le respecte, les choses devraient à peu près bien se passer. Nous sommes capables d'une collaboration un tant soi peu fructueuse.


Avec un éditeur, c'est exactement pareil. Il a besoin d'auteurs pour publier des livres. Vous, l'auteur, avez besoin d'un éditeur pour faire éditer votre livre et être rémunéré. Bien sûr, le rapport de forces est à son avantage. Il détient les moyens de production et l'argent de votre salaire. Quant à vous, vous êtes un auteur évoluant dans un contexte de chômage de masse littéraire intensif. Sur le marché du travail de l'écriture, l'offre en écrivains est de loin supérieure à la demande. Ok, vous en êtes conscient, mais rappelez-vous que vous officiez dans une industrie – qui est certes une industrie de la création, mais une industrie quand même. Vous n'êtes pas là pour ériger un autel dévoué à l'éditeur qui vous a rappelé. Il a besoin de vous. Très bien. Voyons un peu ce qu'il vous propose. En gardant toute votre méfiance.


Lors du premier appel, l'éditeur va vous faire quelques compliments (« magnifique », « jamais vu ça », « original », « jamais lu ça ailleurs ») et parfois quelques critiques (« c'est un peu trop long », « trop d'adverbes », « le style est quelques fois lourd »).

Je vous conseille de prendre un papier et un stylo, puis de tout noter ce que vous entendez.

Ne vous défendez pas sur les critiques négatives.

L'éditeur a besoin de vous critiquer. Il y a tout à parier qu'il ne pense même pas ce qu'il dit, en réalité. Ça lui fait plaisir, de vous trouver des défauts. Ça le rassure.

Contentez-vous de dire « oui oui », « d'accord », « ah bon ».


L'éditeur va aussi avoir tendance à vous comparer avec des auteurs que vous ne connaissez pas.

Ne faites pas semblant de connaître.

Oui, il vous prendra pour un plouc, mais il sera tout flatté d'avoir une culture littéraire supérieure à la vôtre.

Donc, quand il vous cite Mouchaï Tsètsèv et vous demande si vous connaissez, n'hésitez pas à répondre : non.

- Il faut que vous lisiez Mouchaï Tsètsèv ! s'enhardira-t-il.

Répondez oui et l'éditeur passera ensuite à autre chose.


Immanquablement, l'éditeur vous demandera si vous avez eu d'autres retours (positifs, on s'entend).

L'idéal, c'est de pouvoir répondre « oui ». Ça lui fout la pression.

Quand l'auteur répond très sincèrement « non personne ne m'a rappelé excepté vous, et comme vous pouvez l'entendre à ma voix, je suis quasiment prêt à vous tailler une pipe sur-le-champ tellement je suis plein de reconnaissance », l'éditeur est pénard. Sa première pensée, c'est « super, je suis pas obligé de le signer tout de suite. »

Et là, vous êtes grave dans la merde (voir plus loin le paragraphe sur l'option 2).

C'est à vous de voir.

Soit vous avez l'aplomb pour mentir, et vous pouvez répondre :

- Oui je suis en effet en contact avec une maison d'édition, mais leur proposition ne me semble pas très en adéquation avec ce que je souhaite et je suis donc toujours à la recherche d'un éditeur...

Auquel cas l'éditeur vous demandera :

- Je peux savoir qui est cet éditeur ?

- Eh bien, il m'a demandé une certaine discrétion, car ce serait pour le lancement d'une nouvelle collection dont le projet n'est pas, pour l'instant, rendu public. Mais parlons plutôt de vous...

Là il faut avoir des couilles, c'est vrai.


Soit vous n'avez pas l'aplomb pour mentir, et vous répondrez par la vérité.

Ce n'est pas très grave, encore une fois.

Mais l'éditeur pourra en profiter pour faire traîner les choses.


Le paradis, c'est quand en effet vous avez déjà eu un retour positif.

Ne serait-ce qu'un petit bristol avec une gentille appréciation du livre.

N'ayez aucun scrupule à « arranger » la vérité. Dites tout simplement :

- Oui, Monsieur Bidule des Editions Machin est intéressé par le roman. Je travaille sur une nouvelle version, plus en adéquation avec sa ligne éditoriale. Mais je suis libre comme l'air ( = je n'ai pas signé de contrat d'édition) et je reste ouvert à d'autres propositions.

Et si « la nouvelle version » n'existe pas, Monsieur Bidule ne vous l'ayant jamais réclamée, on s'en fout ! L'éditeur ne va pas aller vérifier. Et s'il le fait d'aventure, vous pourrez toujours plaider avoir mal compris le message griffonné sur le petit bristol de Monsieur Bidule.



Si, mieux encore, vous avez déjà eu un appel d'un éditeur intéressé, n'hésitez pas à le dire ! En arrangeant la vérité, s'il le faut, bien entendu.




Si au terme de l'entretien téléphonique, l'éditeur ne vous a pas donné ses coordonnées (numéro de ligne directe fixe, email, voire numéro de portable s'il n'est pas parano), ça sent très mauvais.





A ce stade du coup de téléphone, trois options s'offrent à vous.


1 / L'éditeur vous a appelé parce que vous êtes une jeune femme de 24 ans, et qu'il n'a pas réellement envie d'éditer votre livre. Ou bien, l'éditeur vous a appelé sur un coup de tête, mais il n'a pas les moyens d'éditer votre livre (typique des petites maisons d'édition).


2 / L'éditeur est réellement intéressé par votre livre, et a les moyens de l'éditer. Seulement, il ne peut pas éditer votre livre en l'état. Et il n'est pas près de vous faire signer un contrat d'édition. Il cherche plutôt un poulain à rajouter dans son écurie.


3 / L'éditeur vous propose directement un contrat d'édition.


L'option 3, c'est le jackpot (jackpot souvent pourri, mais jackpot quand même). Vous avez une chance sur dix pour que l'appel de l'éditeur relève de cette option.


Je me concentrerai donc sur l'option 3 dans le prochain article « Au secours, je vais signer un contrat d'édition ! ».


Pour l'instant, explorons les options 1 et 2.


 

 

 


Option 1 : ce connard d'éditeur se fout trop de ma gueule !

 

 


L'éditeur pervers


Au téléphone, l'éditeur insiste gravement sur votre âge, votre sexe, vous demande votre situation maritale, j'en passe et des meilleures.

Il vous donne ses coordonnées. Dans la foulée, il fixe un rendez-vous dans un café avec des rideaux très épais derrière la vitrine.

Comme vous êtes naïf et que vous n'avez rien senti venir, vous le rencontrez. L'éditeur vous déshabille du regard sans jamais parler de votre manuscrit. Il vous fait des avances.


FUYEZ.

Cet odieux personnage cherche un(e) amant(e), pas un auteur.



L'éditeur pas sérieux


Cas très fréquent des petites maisons d'édition dirigées par un mec qui se croit chez Gallimard (ou « DC » - directeur de collection – au Seuil).

L'éditeur vous appelle donc pour la première fois et commence à déblatérer n'importe quoi.

- Oui alors malheureusement je ne peux pas vous proposer de contrat d'édition... Enfin je ne suis pas sûr... Nous n'avons pas assez de financement pour cette année... Mais l'année prochaine ? Pourquoi pas ? Qu'en pensez-vous ?

Après quoi, pour noyer votre méfiance, il part dans une grande tirade sur les résultats de la Ligue 1 de football en Biélorussie.


FUYEZ.

Ce mec-là ne vous éditera jamais.

Et son petit jeu, il peut le faire durer longtemps – je connais des gens qui se sont accrochés à ces types-là pendant des années ! Sans avoir jamais vu le bout d'un contrat d'édition, il va de soi...


Un éditeur sérieux ne parle pas de son financement à un auteur. Quelle que soit la taille de la maison d'édition. Le financement d'un livre n'est pas votre problème, vous n'êtes pas concerné par ce domaine-là, et vous n'avez rien à savoir à ce sujet.


Acquiescez poliment, promettez de réfléchir à la situation et ne recontactez pas ce grossier personnage.

S'il propose une rencontre, vous pouvez toujours y aller, si cela ne vous coûte pas d'argent et que vous avez envie de vous marrer. Face à vous, il répétera le même baratin sur son impossibilité financière de vous éditer dans l'immédiat. Acquiescez poliment, promettez, etc...


Continuez à chercher ailleurs.



L'éditeur qui vous demande du pognon


- Alors oui, j'aime beaucoup votre manuscrit. Vous savez, nous sommes une petite structure et nos fins de mois sont difficiles... Vous serait-il possible d'avancer les frais d'édition et blablabla...


FUYEZ.


Un contrat à compte d'éditeur n'exige aucune implication financière de la part de l'auteur. C'est dit, c'est retenu et c'est appliqué une bonne fois pour toutes.






Ah, l'âcre goût d'échec qu'éprouve l'auteur tout juste réchappé de l'option 1 !

Vous vous sentez nul, vous êtes anéanti.

Vous aviez placé tant d'espoirs en cet être qui s'est : soit avéré être un pervers, soit un incompétent, soit un arnaqueur.

Vous songez à abandonner l'écriture.


Ne vous inquiétez pas. On est tous passés par là.

Tous les auteurs que je connais ont eu des débuts chaotiques. Editeur pervers, éditeur pas sérieux, éditeur arnaqueur, nous avons tous tâté de la chose, avons tous mordu la poussière un jour ou l'autre.


Vous vous en remettrez.

Continuez d'envoyer vos manuscrits. Ces viles personnages n'auront pas la joie de vous avoir poussé au hara-kiri littéraire, tout de même !




Option 2 : ce connard d'éditeur croit que je vais bosser gratuitement (et le pire c'est que je vais le faire) !



Reprenons notre premier appel téléphonique.


- Mais c'est magnifique, votre manuscrit, ça me rappelle Mouchaï Tsètsèv ! Pour ce style très percutant... Vous connaissez Mouchaï Tsètsèv ?

- Oui... Euh enfin, non...

- Il faut absolument que vous lisiez Mouchaï Tsètsèv !

- Oui oui...

- Bon, écoutez Oussamo, je suis bien embêté. J'ai pensé à éditer votre manuscrit dans ma collection mais...

Là, le cœur d'Oussamo fait un grand bond dans sa cage thoracique.

- En fait, ça ne correspond pas tout à fait à mes critères de collection... Eh oui... Je dois respecter certaines petites choses qui font tout le sel de mes bouquins, hé hé ! Mais je suis sûr qu'en le travaillant un peu, « on » pourrait arriver à en faire un roman tout à fait publiable pour moi. Ça vous dit ? Je ne veux pas vous forcer, mais bon...


Nous sommes là dans le cas de figure le plus récurrent : l'éditeur qui va vous faire réécrire plusieurs fois votre livre sans vous avoir fait signer de contrat d'édition.


Sachez-le définitivement : s'il ne vous le fait pas signer tout de suite, c'est parce qu'il y a de fortes chances qu'il ne le fasse jamais.


Lui, de cette cruelle vérité, il en est tout à fait conscient.


Vous, vous ne l'étiez pas, jusqu'à ce que vous deveniez un lecteur émérite du blog de Stoni.


Il y en a qui vous l'annonceront très sincèrement : « changeons le roman, peut-être que ça marchera, peut-être pas ».

Vous comprenez très vite qu'on vous demande de réécrire votre livre, sans vous rémunérer.


Il y en a qui vous le diront avec moins d'honnêteté : « vous devriez changer ceci, et cela, et ceci dans le manuscrit » – la somme des « ceci » et « cela » équivalant ni plus ni moins à réécrire entièrement votre livre.


Si l'éditeur qui vous propose ce petit jeu-là – car c'est un jeu, rien d'autre – est un éditeur d'une grande maison d'édition, ou d'une maison d'édition modeste mais bien réputée, ou un éditeur dont vous admirez particulièrement la ligne éditoriale, j'ai envie de vous dire : faites-le quand même.


Il est à savoir que l'option 2 est une spécialité des grandes maisons d'édition.


Si c'est Les Editions du Berry Bucolique qui vous le proposent, fuyez.


Bien entendu, ne jouez pas à ça si un autre éditeur (sérieux) vous a proposé un contrat d'édition !




Acceptez l'option 2 à la condition obligatoire que l'éditeur vous ait donné ses coordonnées (ligne directe fixe, email, portable), gage d'un minimum de sérieux, et d'autant plus s'il vous propose de vous rencontrer physiquement.




Ensuite, c'est votre choix d'auteur. Voulez-vous réécrire votre livre ? Acceptez-vous de travailler pour quelqu'un qui ne vous éditera certainement pas ? A vous de prendre la décision.


Dans tous les cas, quoi qu'il en soit, vous êtes grave dans la merde.





Pourquoi, moi, je conseille d'accepter ce genre de collaboration ?


D'une, vous allez apprendre plein de choses.


De deux, vous avez désormais un contact, qui prétend être votre mentor. Voyez-le comme un pion qui pourra vous servir.


De trois, on vous demandera presque toujours de retoucher le livre, même quand vous signerez un contrat d'édition.

Cela vous habitue à triturer votre œuvre.



L'éditeur vous propose donc de réécrire un livre « plus en conformité avec les exigences de sa collection ».

Vous avez une chance sur cent pour, qu'au terme de votre périple (ça peut durer trois ans, avec quinze réécritures), il vous édite pour de bon – malgré tout ce qu'il pourra vous promettre.


N'empêche, ça vous occupe et ça vous évite de déprimer.


Et pendant ce temps, vous continuez IMPERATIVEMENT à inonder la France et la Navarre de votre prose.

Envoyez vos nouvelles versions travaillées avec l'éditeur, au fil des réécritures, en changeant le titre de temps en temps.


Ne mentionnez jamais votre travail avec l'éditeur dans votre lettre d'accompagnement. Ne parlez pas de lui non plus (sauf si on vous rappelle, là, vous pouvez enfin répondre que vous avez quelqu'un d'intéressé, et c'est vrai ! ).


Si entre temps vous trouvez un autre éditeur prêt à vous faire signer un contrat d'édition, courrez vous jeter dans ses bras !


Il faut être aussi conscient que, dans l'option 2, l'éditeur peut tout à coup se désintéresser de vous.

Vous travaillez sur la réécriture du roman, et vous lui l'envoyez.

L'éditeur est capable de vous faire parvenir en toute réponse UNE LETTRE DE REFUS SIGNEE PAR LE SERVICE MANUSCRITS ! Ultime humiliation ! Paroxysme de mépris !




Il faut vraiment vous attendre à tout, avec ces gens-là.


Mais, l'option 2, c'est un bon entraînement et une certaine manière de poser le pied dans la fourmilière.






La prochaine fois, nous verrons à quel point vous êtes encore plus dans la merde quand on vous sort le grand jeu (soit, le menu Potatoes chez McDonald) : le contrat d'édition.





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15 avril 2010 4 15 /04 /avril /2010 16:30

 

 

 


 

editeur telephone

 

 

 

 

Régulièrement, je reçois des messages similaires à celui-là (publié avec l'accord de l'auteur, dans le respect de son anonymat et synthétisé par mes soins) :

 

« Stoni,

 

Je lis ton blog que je kiffe trop. Moi aussi j'écris, j'envoie mon roman dans des maisons d'édition et j'ai aucune réponse ! Que faire ? Je comprends pas ! Personne n'a jamais donné suite !

Est-ce que c'est utile de les rappeler ? Peut-être qu'ils m'ont oublié ?

 

Tu crois que j'ai fait une boulette ?

Je peux t'envoyer mon manuscrit pour que tu me dises ce que t'en penses ?

J'ai écrit une histoire à propos d'une rock-star boulimique sur le retour. Je trouvais ça original ! Je suis désespéré. Je pense à arrêter l'écriture.

S'IL TE PLAIT AIDE-MOI ! »

 

Je rédige donc cet article en réponse à tous les internautes qui m'envoient ce genre de sollicitation.

 

Avant tout, je précise que je ne peux pas lire vos manuscrits. Je n'en ai pas le temps et ce n'est pas mon travail. Je ne corrigerai pas vos fautes d'orthographe ni de grammaire. Je ne pourrai pas non plus vous donner des adresses d'éditeurs, car, pour ce faire, il faudrait que j'aie lu votre manuscrit.

Je suis évidemment dans l'incapacité totale de vous « recommander »...

 

Mes journées sont courtes, mon travail prenant, vraiment, je suis désolé.

 

Me proposer de l'argent en échange d'une lecture est également inutile...

 

En revanche, je peux utiliser ce blog pour vous éclairer un minimum sur le devenir de votre pauvre manuscrit esseulé dans les diverses maisons d'édition francophones.

 

Comme préambule à ce qui va suivre, je vous conseille de lire les articles : « J'écris des romans, je suis un caca ! » et « Des conseils pour se faire publier ».

 

 

 

Commençons par le commencement : le manuscrit.

 

Au commencement était le verbe, et le verbe était Dieu.

 

Cette formule biblique s'applique au monde de l'édition : sachez que tous vos espoirs, toute votre capacité à être édité et à devenir un écrivain « rémunéré », sont contenus dans votre manuscrit.

 

Dans la fabuleuse cosmogonie politico-mondaine de l'édition, Dieu, c'est le manuscrit.

 

Votre petite personne n'a aucune importance là-dedans, comme vous allez très vite vous en rendre compte.

 

Avant d'envoyer votre manuscrit à des éditeurs... relisez-le plusieurs fois à voix haute. Cela permet d'entendre les mauvaises tournures, de repérer les fautes de frappe, les répétitions, les phrases trop longues et de revoir votre ponctuation.

 

La mode est aux phrases courtes – sujet, verbe, complément – mais si vous êtes inspiré par quelques mânes proustiennes, ma foi, rien ne vous empêche d'aller à contre-courant. Pour un premier roman, j'éviterais cependant les phrases étalées sur dix lignes.

 

A éliminer : les connecteurs « ainsi », « c'est pourquoi », « par ailleurs », « par conséquent », « donc ». Oui je sais pour « donc », c'est dur. Mais essayez d'en enlever un maximum. Les éditeurs détestent le « style scolaire ».

 

 

Moins votre manuscrit sera mal orthographié, plus il aura de chances d'être lu.

Faites un gros effort là-dessus, ça paiera. Les joies du dictionnaire et de ses pages « grammaire, accords, concordances, genre, pluriels » s'ouvrent à vous !

En outre, vous enrichissez votre culture de la langue française ! N'est-ce pas magnifique ?

 

Admettons que vous ayez relu votre manuscrit à voix haute.... cinq ou six fois minimum... et que vous ayez travaillé l'orthographe et la grammaire.

Il est désormais temps de mettre en page votre manuscrit.

 

Pas d'autre format qu'un classique 21 x 29,7.

 

Choisissez une police d'écriture simple. Sans déconner, j'ai déjà vu des manuscrits en police Comic. Franchement, c'est la honte. Rabattez-vous sur Times New Roman ou Arial, bref, n'importe quoi de passe partout. Les polices ronflantes du genre Bookman Old Style, on évite aussi.

 

La taille de la police est au minimum de douze.

 

Vous placez un interligne double.

 

Les alinéas ? On s'en fout.

 

Les pages seront numérotées.

 

Sur la couverture, figureront le nom de l'auteur (le vrai, pas un pseudonyme, le pseudonyme c'est quand on signe un contrat d'édition qu'on le choisit ! Sauf si vous vous appelez Ben Laden et que vous voulez faire paraître le grand roman bucolique champêtre sur lequel vous avez bossé des années durant dans l'ennui de votre bunker), le titre du livre, le genre (« roman » si c'est un roman, « témoignage » si c'est un témoignage, « récit » si c'est un récit, « essai », etc...), le nombre de pages, votre adresse et votre numéro de téléphone.

Ces deux derniers points sont très importants. Ils permettront à l'éditeur de vous contacter, même s'il a perdu votre lettre d'accompagnement.

 

Pas d'illustration en couverture. On trouverait cela fort prétentieux !

 

Le manuscrit est relié. Ça coute une fortune, je sais, encore une fois. S'il n'est pas trop épais, les spirales sont plus économiques. S'il dépasse 400 pages, je crains que vous ne deviez opter pour une reliure « thermocollée ».

A ceux qui hésiteraient à dépenser 5 euros de reliure, je dois décrire le bureau d'un éditeur : le bordel monstre. T'as des bouquins de partout, des manuscrits de partout, des cendars, des mégots, des vieux emballages de Petits Lu, des épreuves, des photocopies, des fiches de lecture. Dégueulasse et sacrément foutoir. Si vous ne reliez pas votre manuscrit, une dizaine de pages échoueront sous le cendrier, tandis qu'une cinquantaine d'autres iront s'égarer entre deux maquettes de bouquins.

 

 

Maintenant que vous avez votre manuscrit tout prêt, passons à la lettre d'accompagnement.

 

Vous y inscrivez vos coordonnées – sans oublier le numéro de téléphone – et celles de l'éditeur si la fantaisie vous en prend.

Personnellement, j'utilisais un modèle type dont je ne changeais que la date.

 

En gros, ça devrait ressembler à ça :

 

« Messieurs,

 

Je vous soumets mon manuscrit Le Grand roman champêtre, un roman d'amour.

 

Âgé de de cinquante-trois ans, je réside en Afghanistan où je pratique la spéléologie scientifique. Je reste malgré tout joignable par Internet et par téléphone.

 

J'attends avec impatience tout avis ou conseil de votre part.

 

Vous souhaitant bonne lecture,

 

Veuillez recevoir, Messieurs, mes sincères salutations.

 

 

Oussamo Bonladon »

 

 

Si, comme Oussamo, vous souhaitez parler un peu de vous, deux lignes suffiront amplement.

 

Vous pouvez résumer l'histoire de votre roman. Là encore, deux à cinq lignes feront l'affaire.

 

Chose à ne pas faire (car pure perte de temps ) :

 

«Je vous soumets mon manuscrit Le Grand roman champêtre, un roman d'amour.

 

Calfeutré, hélas, dans quelque excavation malsaine et souterraine depuis plusieurs années, ce roman a été un véritable défouloir pour une imagination stimulée par l'enfermement. La narration est volontairement provocatrice, puisque j'utilise quatre narrateurs omniscients qui sont : Dieu, la Chèvre de Monsieur Seguin (le politicien), Toad de Super Mario Kart et moi-même. Mes influences littéraires se situent à la marge de tout ce qui se fait actuellement : mon modèle est Céline (la serveuse chez McDonald, pas l'écrivain), quant au style, je me réfère volontiers à Enid Blyton. Par ailleurs, j'ai appris à écrire auprès de Monsieur Philip Roth de l'université de Harvard où j'ai... »

 

Ce genre de tirade part souvent d'un bon sentiment.

Autant vous dire qu'elle ne sert à rien. On ne la lira pas, sinon pour en rire, même si elle est très bien écrite et sincère.

 

Les compliments, flatteries, ne me semblent pas indispensables... Même s'ils sont sincères...

 

Les précisions du genre « J'ai participé à un atelier d'écriture organisé et dirigé par François Bon... » sont également à bannir.

Tous les éditeurs savent que les ateliers d'écriture animés par des écrivains le sont soit pour arrondir leur fin de mois, soit pour asseoir leur notoriété.

Si vous étiez si doué que ça, en atelier d'écriture, François Bon vous aurait recommandé de lui-même à un copain éditeur.

Alors, ne parlez pas de votre atelier d'écriture avec François Bon.

 

Résumons notre propos : un manuscrit relu, corrigé, bien présenté, propre et relié, et une lettre d'accompagnement concise.

 

Maintenant, direction le centre de photocopie local où vous dupliquez votre manuscrit et votre lettre en cinq ou six exemplaires.

C'est pas mal pour une première salve d'envois.

 

Lire aussi : y'a-t-il des mauvaises périodes pour envoyer mon manuscrit ?

 

 

 

A qui envoyer mon manuscrit ?

 

 

Ha ha ! La colle, n'est-ce pas ?

 

Avant d'envoyer à l'aveuglette au Seuil, Robert Laffont et Gallimard, passez un peu de temps sur Internet et/ou en librairie, histoire de vous sensibiliser :

 

- aux éditeurs existants (petits et gros),

- aux genres qu'ils publient,

- aux styles d'histoires qu'ils ont choisis...

 

N'envoyez pas votre manuscrit aux éditeurs qui ne font que de la traduction, ni aux maisons d'édition de livres de poche... qui ne font que de la réédition.

 

Feuilletez les livres en librairies, cherchez ceux qui ressembleraient un peu au vôtre (pour le thème abordé, l'univers, le style d'écriture).

Vous repérerez ainsi les petits éditeurs bien distribués (si l'on trouve leurs livres à la Fnac, ou chez Gibert, ou à la « grosse » librairie indépendante de votre quartier, c'est pas mal).

 

Quand vous « surfez » sur les sites des éditeurs, n'oubliez pas la page « Liens » qui vous conduira vers d'autres éditeurs que vous ne connaissiez pas forcément.

 

Ne négligez pas les grosses maisons d'édition. Il faut essayer et les petits éditeurs et les gros éditeurs. Vous n'aurez pas plus de chances d'être édité chez l'un ou chez l'autre.

Les gros éditeurs reçoivent certes BEAUCOUP de manuscrits...

Les petits éditeurs en reçoivent moins, mais n'ont pas les moyens financiers pour éditer plus d'une dizaine de livres par an.

 

Certains éditeurs proposent aux auteurs d'envoyer leur manuscrit par internet.

Là, je ne suis pas très enthousiaste.

Faites-le si l'éditeur ne vous paraît pas très en adéquation avec votre livre, mais que vous voulez quand même essayer. Dans le cas contraire, préférez l'envoi papier.

Pourquoi ? Vous avez déjà essayé de lire un livre sur un écran d'ordinateur (outre le vôtre, de livre, bien sûr) ? C'est très fatiguant. A mon avis, les manuscrits numériques ne sont pas lus.

 

Combien d'envois faut-il faire ? Autant qu'il faudra... Il est difficile de se faire une idée de la viabilité de votre bouquin, si vous n'avez pas sollicité au moins une trentaine (voire une cinquantaine) d'éditeurs.

Faites vos envois à la fréquence qui vous sied. Vous pouvez joindre une enveloppe affranchie avec votre manuscrit, pour que l'éditeur vous le retourne en cas de refus. Cela dit, le prix en timbres de ce retour sera souvent équivalent à celui de vos photocopies et d'une reliure... Faites votre petit calcul.

 

Si vous êtes à Paris, vous devriez pouvoir déposer votre manuscrit chez l'éditeur même (ou du moins à l'accueil), en personne, ce qui vous épargnera les frais d'envoi.

Attendez-vous à être plus ou moins bien reçu...

 

Disons que vous avez envoyé votre manuscrit à une cinquantaine d'éditeurs, et que, au bout d'un an, vous n'avez eu aucune réponse positive (ce qui risque fortement d'arriver).

Vous souhaitez retoucher le livre, en espérant l'améliorer, et retenter votre chance ?

Pas de problème. Mais quand vous effectuerez un second envoi, changez le titre du livre.

 

Evitez de déposer votre manuscrit au stand de l'éditeur lors d'un festival littéraire.

Les éditeurs détestent ça. Ils n'aiment pas voyager chargés, vous comprenez.

 

 

 

Qu'arrive-t-il à mon manuscrit quand il est reçu dans une maison d'édition ?

 

 

Le manuscrit peut être lu soit très vite, soit pas très vite du tout.

 

Ça peut prendre une semaine, ou un an.

Le délai de lecture ne signifie absolument rien.

 

Dans une grande maison d'édition, celui qui vous lira, c'est un lecteur.

Un lecteur est payé par un directeur de collection pour lire les manuscrits. En général, il s'agit d'un auteur désireux de mettre du beurre dans ses épinards. Au passage, il pourra vous piquer plein d'idées et ressortir vos créations originales dans ses propres œuvres.

Le lecteur est payé soit forfaitairement, soit à la ligne.

Il est payé uniquement s'il lit le livre en entier, livre qu'il recommandera au directeur de collection.

Son intérêt, c'est de trouver un livre recommandable, pour toucher son salaire.

Il va donc lire très vite les manuscrits.

 

N'imaginez jamais que les éditeurs et les salariés de l'édition lisent un livre comme vous pouvez le faire.

Ils lisent un livre pour leur boulot.

Ça n'a strictement rien à voir.

 

Dans la petite maison d'édition, c'est l'éditeur en personne – ou son meilleur pote, ou sa maîtresse, ou le stagiaire non rémunéré du moment – qui va lire les manuscrits.

Il n'a pas beaucoup de temps pour ça (il a un dîner mondain à treize heures).

Lui aussi, il a tendance à se dépêcher.

 

Comment lit-on votre manuscrit ?

 

Le lecteur prend le manuscrit.

Il l'ouvre au hasard, plutôt au milieu.

Son œil prend, aléatoirement, une ligne en milieu de page.

Il est souvent question de milieu, n'est-ce pas ?

Le lecteur lit deux lignes.

 

S'il trouve les lignes « mal écrites » (tournures de phrase lourdingues, fautes à ne plus en pouvoir, etc.), il balance aussitôt le manuscrit.

 

S'il les trouve « pas trop mal écrites », il s'intéresse au propos de ces deux lignes.

Disons :

 

« Anaïs batifolait dans les champs, tandis qu'Amaury l'épiait derrière une botte de foin. Il défit son pantalon et entreprit de se masturber. Un crapaud grimpa sur son soulier gauche, quand...»

 

Le lecteur ne cherche pas à savoir si ce texte a l'air bon, ou intéressant.

 

Je rappelle qu'il en est toujours à deux lignes de lues.

 

La seule question que le lecteur se pose, c'est : « L'éditeur pour qui je travaille publie-t-il des livres où un mec espionne une nana derrière une botte de foin tout en se branlant ? »

 

Voilà le grand mystère dévoilé.

 

Tel est le critère de sélection des maisons d'édition quant à votre manuscrit.

 

Si la réponse à la question qu'il se pose est : « Non, l'éditeur pour qui je travaille ne publie pas ce genre de livre », le lecteur balance votre manuscrit.

 

Si la réponse à la question est : « Oui, ça le bloquerait pas trop cette botte de foin et la branlette », le lecteur va prendre une autre page au hasard, plutôt au début du livre. Là encore, il va lire deux lignes.

Il se posera encore la même question.

 

La réponse est une nouvelle fois « oui » ?

A cet instant, et seulement à cet instant, il va commencer de lire votre manuscrit par la première page.

 

Voilà comment sont lus, et refusés, les manuscrits dans les maisons d'édition.

 

Il n'est pas question, il n'est jamais question, de talent, ni de virtuosité, ni d'originalité, ni de génie.

La question c'est : « Est-ce ce texte correspond aux critères de l'éditeur ? De la collection ? ». Et c'est tout. N'allez pas chercher midi à quatorze heures.

L'éditeur publie les livres qu'attend, et réclame, son lectorat. Il a un genre, un style, un secteur. Il veut s'y tenir.

L'éditeur ne prend jamais de risques. L'éditeur n'a pas de « coup de cœur ». L'éditeur vend du papier, point barre.

 

Pour en savoir plus à ce sujet, lisez l'article « J'écris des romans, je suis un caca. »

 

Bon ! Le lecteur lit donc votre manuscrit depuis la première page.

Il peut très bien s'arrêter en cours de route : fausse alerte ! Ce n'est pas ce qu'il croyait. Manuscrit au rebut.

 

S'il le lit en entier, ça veut dire qu'il va rédiger une fiche de lecture à l'attention du directeur de collection.

C'est cette fiche de lecture qui va lui permettre d'être payé.

Dans cette fiche, courte (une page environ), le lecteur fait un petit topo sur votre bouquin.

 

Il transmet ensuite le manuscrit au directeur de collection, ou à l'éditeur.

 

C'est ce dernier qui va prendre LA décision (sauf s'il est chapeauté par un directeur commercial, ou par un big boss emblématique, ce qui arrive souvent chez les poids lourds de l'édition française).

 

Le directeur de collection a sur son bureau plusieurs manuscrits accompagnés de leurs fiches de lecture.

 

Il lit d'abord la fiche de lecture.

 

« Ce roman bucolique et champêtre est en fait un ouvrage pornographique cinglant, une critique sociale acerbe sur l'idéologie du désir et la marchandisation du sexe. Chapitre savoureux sur une partouze entre humains et lombrics.

L'auteur signe Oussamo Bonladon : Oussama Ben Laden ??? A vérifier !!! »

 

L'éditeur (ou le directeur de collection) est tout content. Voilà qui a l'air croustillant et qui correspond bien aux critères de sa collection !

 

Il ouvre votre manuscrit et le lit, pépère.

 

Mais le manuscrit ne lui plaît pas. Il s'en rend compte au bout de dix lignes.

Il balance le manuscrit et, à l'occasion, aura une remarque incisive pour humilier le lecteur en public (« Ah ah, quelle merde ce livre champêtre que tu m'as recommandé l'autre jour ! Tu crains, mon pauvre vieux ! »).

 

Votre manuscrit est refusé. Vous ne saurez rien de son voyage depuis le lecteur jusqu'à l'éditeur.

Vous recevrez une petite lettre de refus impersonnelle au possible.

 

 

Deuxième possibilité.

L'éditeur lit le manuscrit en entier. Mais ça ne le fait pas.

 

Il a bien aimé le texte, mais lui, dans les livres qu'il édite, c'est plutôt des partouzes entre humains et canaris. Ben ouais, c'est ça son secteur, au mec.

Ne riez pas ! C'est sur des critères aussi futiles, incompréhensibles, inavouables, que votre manuscrit sera jugé.

Bref, il est un peu dépité, le pauvre éditeur. Il vient de perdre deux heures à lire votre truc.

S'il a du temps devant lui, il va prendre un bristol et écrire à l'arrache : « Mon cher Oussamo, c'était pas mal, mais vous devriez plutôt écrire sur des partouzes entre humains et canaris. Au plaisir de vous relire, l'Editeur. »

Et il vous renvoie le manuscrit avec ce petit mot.

 

S'il n'a pas de temps devant lui (remise de prix littéraire à vingt heures – non ce n'est pas un auteur de sa maison qui est récompensé, mais ça fait voir du monde, sa maîtresse y sera, et puis, y'aura des petits fours de chez Fauchon), il vous renvoie le manuscrit à ses frais avec une lettre de refus impersonnelle imprimée par le « Service Manuscrits ».

 

 

 

 

 

Je précise que l'histoire de la partouze était un exemple, censé vous faire sourire.

En réalité, bien entendu, l'éditeur ne va pas seulement vous juger sur la nature de la partouze, ni même sur la présence d'une partouze ou non dans votre manuscrit (sauf s'il s'agit de Grosses Partouzes Editions).

 

Simplement, je tenais à vous faire entendre que les critères de l'éditeur semblent tout à fait incohérents, incompréhensibles, injustes – parfois même idiots – aux yeux de l'auteur.

 

Imaginons que vous ayez écrit un livre de science-fiction où vos personnages sont des extra-terrestres de type humanoïde. L'éditeur pourra penser en lisant votre livre « Pas mal ce texte, mais mon secteur, c'est les extra-terrestres de type masse gélatineuse. Dommage ! ».

 

Vous écrivez un roman historique où vos personnages vont faire caca. Eh oui, moi je regrette que dans les romans historiques les personnages ne vont jamais faire caca. Il n'y a jamais – ou trop rarement – de passage trivial sur le quotidien humain. Bref, en lisant votre manuscrit, l'éditeur pourra penser : « Pas mal ce texte, mais mon secteur, c'est le roman historique très sérieux, hiératique et tout, où les personnages sont hugoliens et ne vont jamais faire caca. »

 

Je ne vous conseille pas d'écrire des livres avec des partouzes.

C'était une parabole pour vous prouver à quel point vous seriez sciés, si vous appreniez quels sont les critères de sélection de l'éditeur. Des vétilles, des détails, des choses impensables, mais qui pour lui font sens.

C'est ainsi.

Passons.

 

 

 

 

Voilà tout ce qui arrive à votre manuscrit quand il est refusé.

 

 

A lire aussi : dois-je rappeler les maisons d'édition à qui j'ai envoyé mon manuscrit et qui ne me répondent pas ?

 

 

En cas d'acceptation ? Ou d'acceptation très très partielle ?

Ou de « ni accepté, ni refusé » ?

 

C'est une autre histoire que je vous raconterais un autre jour, si vous le voulez bien...

 

 

 

Lire la suite : A l'aide, un éditeur m'a rappelé !

 

 

 

 

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11 mars 2010 4 11 /03 /mars /2010 20:09

 

personnage 1a


A la base de tout roman, il y a : le personnage.


Les miens sont exigeants, tyranniques, méchants, mais nous nous débrouillons malgré tout pour filer une magnifique histoire d'amour.


Commencer un texte ne signifie pas écrire un roman.

Nombreux sont les essais qui ne mènent à rien. Pour que cet embryon de mots, d'une vingtaine, trentaine, cinquantaine de pages, devienne le roman, il faut que le personnage s'affirme comme tel.

C'est-à-dire que le personnage doit s'installer dans mes doigts.


Une fois qu'il s'y est logé, et que c'est lui qui ordonne à mes dix phalanges de taper ce qu'il veut que je tape, nous sommes tous les deux lancés dans l'histoire. On ne m'arrêtera plus. Ni l'on ne pourra l'arrêter lui, d'ailleurs.

Nous vivons un train de couple : lui a besoin de moi pour être, et moi j'ai besoin de lui pour faire. Il a l'Etre, j'ai le Code. Nous entretenons des attractions corporelles très fortes, et nous tombons rapidement amoureux. Nous avons nos scènes de ménage – parfois vengeresses – et nos instants de grand bonheur éperdu.

Notre cohabitation se partage entre mon traitement de texte et ma petite cervelle.


Il veille, derrière moi, quand j'écris et me souffle à l'oreille les mots que je dois retranscrire.

Il se montre vaniteux, prétendant qu'il est à l'origine de tout, et que moi, je suis un simple exécutant.

- C'est faux, répliqué-je avec orgueil. Tu le sais bien, je t'ai inventé.

- Non, je me suis présenté à toi tout constitué, t'as le boulot déjà à moitié mâché.

- Je me rappelle très bien de la première fois où j'ai pensé à toi... Tu n'étais alors qu'une silhouette. Je sentais vaguement ton odeur, et je voulais te toucher. A partir de ça, lentement, inopinément, tu t'es constitué, car c'est moi qui t'ai forgé... Au fil des mois... Au fil des ans... Tu ne te souviens pas ?

- Arrête de geindre ! Ecris !


Notre histoire m'oblige à lui faire du mal et je regimbe.

J'esquive les séances d'écriture. Il sait me rappeler à l'ordre.

- Mais tu vas souffrir...

- Et alors ? Si je dois souffrir pour exister, je souffrirai. Fous-toi au boulot, sale petit con ! Branleur !

J'obéis.

 

 

personnage-1.jpgpersonnage-2.jpg


Néanmoins, je l'aime.

Je me cale contre son corps, enfonce ma tête sous son épaule et l'étreins, voulant sentir sa cage thoracique, cherchant même à renifler la transpiration sous ses aisselles.

Je le veux, de la couche de tartre recouvrant ses dents jusqu'à son dernier poil pubien.

Je m'approprie sa chair, enchanté, et fier, de l'avoir créée.

Il se fiche de mes caresses.

Il a une destinée à me faire accomplir, lui.

 

 

 

personnage 3a


- Fais-moi aller chez Lidl, pour que j'achète du fromage. C'est symbolique, tu comprends. Bon, à ce stade de l'histoire, je peux me permettre de faire l'amour avec Truc, qu'est-ce que t'en dis ? Ça fait soixante pages que j'en crève d'envie. Et tout ça pour qu'à la fin je meure, ha ha ha !

- Je peux te faire survivre, si tu veux...

- Quoi ? Pauvre connard ! Traître ! Bien sûr que non ! JE DOIS MOURIR !

- Ok...


Quand le roman est achevé, il ne s'envole pas pour autant.

- Très bien. T'as fini ton truc. On est vachement contents pour toi. Mais, maintenant, tu vas relire ! C'est bourré de fautes, c'est super mal écrit, personne ne va vouloir de ce tas de merde ! Alors, au boulot !

Je ne me plains pas. Je suis heureux de le retrouver, même si le premier jet est terminé.


Je réécris de multiples versions, cherchant sans cesse à améliorer le roman. Pas pour moi. Pour lui.

Il reste aux aguets, vigilant.

Les personnages sont des gens très consciencieux.

Plus je réécris l'histoire, plus je le connais. J'en arrive au point où j'anticipe le moindre de ses mouvements. Nous formons, à présent, une petite famille.

Plus rien ne me surprend, de sa part. Routine d'amoureux. C'est une agréable routine, celle où, lorsqu'à chaque réveil, au lit, vous renversant vers votre moitié, vous êtes tout euphorique à l'idée de déjeuner en sa compagnie.

Tout est magique.

Lui aussi me fait les yeux doux.

- Je sais être gentil avec toi, Stoni, car tu travailles beaucoup. C'est bien. Je suis fier de toi.

 

Nous prenons alors, d'un commun accord, la décision de le soumettre à des éditeurs.

- Tant que tu n'as pas réussi, prévient-il, je te lâche pas. Si t'échoues à faire de moi un vrai livre... je te défonce la gueule.

C'est vrai.

Il me suit dans les rues, quand je suis seul. Je le sais être au détour d'un pâté de maison, une batte de base-ball au poing, au cas où je ne réussirai pas ma mission.

Les éditeurs ne sont pas conscients de la menace qui plane sur moi.

Comme je sors de la boulangerie, le personnage me chope, couteau entre les dents :

- Alors, sale petite racaille ? Ton éditeur t'a appelé, ce matin, pas vrai ? Et tu me préviens pas ? PAUVRE CON ! Je suis au courant de tout ! Je suis omniscient, putain de merde !

- Euh oui, pardon, j'ai pas eu le temps tu comprends mais j'allais te...

- Qu'est-ce qu'il t'a dit, l'éditeur ?

- Euh... Qu'il fallait que je reprenne tel passage, que ça n'allait pas à tel moment du livre, que...

- Quel incompétent tu fais ! Allez, fous-toi au boulot ! Encore une fois ! J'en ai pas fini avec toi, visiblement !

Nous nous remettons à travailler.


Le jour où je signe le contrat d'édition, le personnage cesse de me harceler au coin des rues.

Désormais, il roucoule dans les bras de l'éditeur.

Je tiens la chandelle.

- Ah ! s'extasie l'éditeur en étreignant le manuscrit. Quel magnifique personnage ! Qu'il est beau ! Qu'il est réaliste ! Vraiment ! Je l'aime ! ( = il va me rapporter du fric, j'en suis sûr ! )

Je tente d'en placer une :

- Oui j'ai eu cette idée de personnage le jour où...

- Tous les gens qui ont lu le roman sont tombés amoureux de lui ! Je crois que tu ne le mérites pas, Stoni ! Hé hé hé !

J'esquisse un rictus faussement amusé. L'éditeur enchaîne :

- Ce soir, je dîne avec le personnage. Tu n'y vois pas d'inconvénient ?

- Non...

- En fait, on va même s'envoyer en l'air pendant une bonne partie de la nuit ! Tu n'es pas jaloux, au moins ?

- Ben...

- Je t'assure, Stoni, il est très bien avec moi. Je saurai mieux m'en occuper. Il faut que tu fasses ton deuil, maintenant. Et tu connais l'adage : un de perdu, dix de retrouvés !

 

 

personnage-3.jpg


Le personnage ne se soucie pas tellement des séductions politico-mondaines dont il fait l'objet.

Il ne vous lâche pas la grappe aussi facilement.

Il revient, le soir même.

- Te voilà ? Je croyais que tu t'envoyais en l'air avec mon éditeur ?

Il grimace et chasse l'air d'une main.

- Ahrf... L'éditeur... Je m'en tamponne. Je préfère te surveiller toi. Il faut que t'assures. T'as pensé à ce que t'allais dire, pour le lancement du livre ? Il y aura bien quelques journalistes. C'est important que tu y réfléchisses... C'EST MON IMAGE QUI EST EN JEU ! Tu devras prendre soin de bien me présenter. Et ne t'avise pas de faire ton malin en te mettant en valeur. C'est de moi dont les gens veulent entendre parler. T'as tout saisi ?


Ma seule source de salut, c'est quand un nouveau personnage aussi exigeant, méchant, tyrannique, viendra prendre sa place et l'expédiera à l'autre bout du monde par force coups de pied au cul.

Mais je suis du genre à garder mes vieilles lettres d'amour dans un petit coin de mon tiroir.

 

 

 


 

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2 février 2010 2 02 /02 /février /2010 14:19

 

stoni-gene.jpg

 


Avec Aniki, nous regardons un documentaire sur Art Spiegelman.


A la fin, l'illustrateur témoigne :

- Je ne suis jamais en paix. J'ai toujours de l'angoisse. Quand je dessinais Maus, j'avais peur de ne pas le finir.

Face à l'écran d'ordinateur (nous n'avons pas de télé), je brandis ma cigarette en l'air :

- C'est tout à fait ça, mec !

Spiegelman se fout bien de ma réaction, puisqu'il poursuit :

- Quand j'ai dû dessiner la suite de Maus, j'avais peur d'en être incapable...

- Oh putain c'est ça !

- Chaque jour, j'ai peur de ne pas réussir à dessiner ce que je veux dessiner...

- Ouaaais !

- Quand Maus est sorti, j'avais peur de ne pas réussir à passer à autre chose...

- Exaaact !

- J'avais peur de ne plus être capable d'inventer autre chose...

- Putain mais c'est trop ça !


Tu es un jeune auteur, tu n'es pas encore édité. T'as peur d'envoyer tes manuscrits à des éditeurs. T'as peur de la réponse – négative – t'as peur qu'on te dise : arrêtez ça, c'est une catastrophe. T'envoies tes manuscrits et t'as peur. Tu guettes ta boîte aux lettres et t'as peur. Tu reçois des lettres de refus et t'as peur de continuer à écrire, malgré tout. Et puis un jour un premier éditeur te rappelle. T'as peur de ne pas être à la hauteur. T'as peur de ce qui t'arrive, t'as peur de ne pas réussir à tenir le coup. T'as peur de la réalité. T'as peur de ton livre. T'as peur de ton roman. T'as peur de ce qu'il te dit, l'éditeur. T'as peur de le décevoir. T'as peur quand tu retravailles ton manuscrit, de ne pas réussir à produire ce qu'attend l'éditeur. T'as peur quand tu rencontres l'éditeur.

Aujourd'hui encore, j'ai envie de vomir à chaque fois que je dois voir mes éditeurs.

Après tu signes ton premier contrat d'édition. Mais avant ça t'as peur. T'as peur de ne pas réussir à te rendre dans la maison d'édition pour signer. T'as peur d'être malade, ce jour-là. T'as peur de péter un câble, et de foutre ton poing dans la gueule de l'éditeur. De ne plus te contrôler. De tout faire rater. T'as peur de prononcer une phrase qui va tout foutre en l'air. T'as peur que ce soit pas le bon contrat, pas le bon éditeur, t'as peur de l'avenir.

Ensuite, t'as peur que le manuscrit final soit pas accepté. T'as peur que ton éditeur te fasse un coup de pute et refuse de sortir le bouquin. Pourquoi le ferait-il ? Tu te méfies de tout, et t'as peur. T'as peur qu'on modifie le texte sans ton accord. T'as peur de plus reconnaître le roman. T'as peur d'être déçu. T'as peur de ne pas être capable de retravailler le manuscrit final. T'as peur d'être incapable de faire bouger tes doigts, sur le clavier, au moment où tu te remettras devant ton traitement de texte, pour composer ce qui sera ta dernière version du roman. T'as peur du roman. T'as peur de tes personnages. T'as peur qu'ils ne t'obéissent plus. T'as peur de ce que les gens vont te dire. Parce que t'y penses un peu, quand même.

T'as peur de comment le livre va être reçu. T'as peur des avis. T'as peur qu'il n'y ait aucun avis. T'as peur de le voir dans une librairie.

Tu te dis : putain, mais comment j'ai pu me foutre tout seul dans une telle merde.

T'as peur quand tu te dis : quand le livre sera sorti, après, il faudra bien que je fasse autre chose. T'as peur de ne plus être capable de réécrire un autre livre. T'as peur d'avoir perdu ton imagination. T'as peur de faire moins bien. T'as peur de faire jamais aussi bien.

T'as peur quand le livre est diffusé. T'as peur qu'on ne te communique pas les vrais chiffres de vente. T'as peur parce qu'il faut te remettre au boulot. Sur autre chose. Où sont les idées ? T'as peur des lecteurs dans les festivals littéraires. T'as peur de les décevoir. T'as peur de soumettre un nouveau roman à ton éditeur. T'as peur de son refus. Mais quel nouveau roman, au fait ? Puisque t'as peur d'avoir perdu ton imagination...

Le soir, quand tu te couches, normalement, tu rejoins ton monde d'histoires, où tu inventes de nouvelles situations. Mais en ce moment, tu t'endors trop vite, et tu ne restes pas longtemps dans ton monde imaginaire. Ce n'est pas bien. T'as peur de perdre ton monde imaginaire.

T'as peur quand les éditeurs sont tous après toi pour récolter un nouveau manuscrit. T'as peur de ce nouveau manuscrit.

T'as peur, chaque jour, quand tu te mets devant ton traitement de texte.


T'as peur, parce qu'il y a toujours quelque chose à faire qui n'a pas encore été fait.


Cela dit, y'a pire comme situation, et si t'es pas trop con, t'en es conscient.

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14 novembre 2009 6 14 /11 /novembre /2009 19:21

 

 

 

 Une vague connaissance me dit un jour :

 - J’ai un ami qui écrit…

 J’ouvris grand les yeux, afin de l’encourager à poursuivre.

 - Et comme tu écris

 Je hochai la tête.

 - Je peux lui passer tes coordonnées, pour qu’il te pose quelques questions ? Je crois qu’il a besoin d’aide…

 Sans trop avoir confiance en mes capacités à aider qui que ce soit, je hochai une seconde fois la tête.

 

« L’ami qui écrit » me contacta très vite.

Nous nous rencontrâmes.

Il était un peu plus âgé que moi, et rapidement, je compris que sa confiance en sa propre capacité littéraire supplantait la mienne, de loin.

Il m’interrogea avec circonspection sur ce que j’écrivais, quels étaient mes éditeurs, etc.

Il en tira le commentaire suivant :

 - Ouais… Tu fais du narratif, quoi…

 Ceci prononcé avec un dédain total.

 - En effet, je fais du narratif, eh bien, j’écris des romans…

 - Moi, je veux m’éloigner de la forme narrative classique.

 Ça se présentait très mal.

Je me renseignai à mon tour sur ses écrits, n’osant plus prononcer le mot « roman », ce qui handicapa lourdement la conversation.

 - J’essaie de casser les codes et les règles, mais de ne pas non plus trop bousculer le lecteur, parce qu’il faut garder en tête le fait qu’on doit le respecter… Alors tu vois, je développe un imaginaire sombre et désespéré, je ne m’attends pas à être compris, je crois que je vais choquer.

 Je restai pantois.

 - Euh, mais tu fais quoi au juste ?

 - Je viens de te le dire.

 - C’est de la poésie, du roman, de…

 - Ni l’un ni l’autre. Je t’ai déjà dit que je ne m’intéresse pas aux codes classiques.

 Il n’y avait pas que son imaginaire qui était désespéré, visiblement.

Là-dessus, il dégaina un manuscrit de 500 pages, qu’il posa sur la table du café.

Je considérai la chose en silence.

 - Tu veux jeter un coup d’œil, me dire ce que tu en penses ?

 Je tirai la ramette de papier de mon côté, et l’ouvris au hasard, au milieu.

Je tombai sur des phrases interminables, truffées de fautes d’orthographe et de grammaire, incompréhensibles. Bref, c’était très mal écrit.

J’allai une centaine de pages plus loin. Illisible, toujours.

Je refermai le manuscrit.

Il décilla des yeux de merlan frit.

 - Mais regarde mieux !

 - Tu l’as envoyé à des éditeurs ?

 - J’ai commencé, un peu.

 - Tu as eu des retours ?

 Il se trémoussa sur son siège, haussa les épaules, renifla.

 - Pas vraiment, c’est trop tôt pour le dire…

 - Ce que je viens de faire, c’est ce que n’importe quel éditeur – ou lecteur – fait en recevant un manuscrit.

 - Et alors ?

 - Tu as relu plusieurs fois, à voix haute ?

 - Oui, une fois. Pas plusieurs, c’est trop long.

 - Eh bien, tu devrais prendre le temps de le faire.

 - Je connais mon texte par cœur, répliqua-t-il avec violence. Je sais de quoi ça parle, pas la peine !

 - Je m’en doute, mais c’est pour revoir ton rythme. A voix haute, on entend très bien ce genre de choses. Les répétitions, également, la musicalité, parce qu’il faut que ce soit un minimum joli à entendre… La mode, ce sont les phrases courtes. Essaie d’épurer au maximum les par conséquent, en outre, c’est pourquoi

 - La mode ? Mais moi, je ne suis pas la mode.

 - Alors, il te sera très difficile de trouver un éditeur. Pourquoi ne pas revoir quelques petites choses ? L’important, c’est ce que tu as à dire, et pas tellement comment tu le dis, n’est-ce pas ?

 - Je constate que tu ne me seras pas d’une grande aide.

 Il rougit, serra les dents et partit.

 

 

  Je le recroisai par hasard.

 - De toute façon, personne ne me comprendra.

 - Alors, n’envoie pas ton manuscrit à des éditeurs. A quoi bon ?

 - Mais nous n’écrivons pas le même genre de choses.

 A vrai dire, je ne savais pas ce qu’il écrivait, ne l’ayant jamais compris.

 - Je t’ai donné mon avis, et il s’applique à n’importe quel domaine littéraire. Fais-en ce que tu en voudras…

 - Mais tu ne m’as rien dit !

 - Tu t’es levé et t’es parti.

 - T’avais même pas lu mon livre !

 - J’avais compris que ce n’était pas publiable en…

 Les mots étaient prononcés, j’avais amorcé la bombe : elle explosa.

 - Pas publiable ? haleta-t-il.

 - Tu ne me laisses pas finir… Pas publiable en l’état…. Et puis, ce n’est que mon avis. A chaque fois que des gens me font lire leur travail, je leur répète que je ne suis pas éditeur, et que je peux tout à fait me tromper. On ne sait jamais ce qui peut arriver. Selon les pratiques des éditeurs que je connais, selon les échos récoltés par des confrères, je peux simplement te dire que ton manuscrit, tel quel, n’est pas publiable. Mais je suis loin de connaître tous les éditeurs de France…

 - Comment tu peux affirmer ça sans avoir lu le livre ?

 - Mais on ne le lira pas !

 Je sortis de ma sacoche un vieux bouquin des Editions Sociales (L’internationale Communiste, pour être précis) et le brandis devant lui.

 - T’as raté un épisode, mon pote. Regarde bien. Je suis un lecteur pour une maison d’édition. Je suis payé pour lire les manuscrits. Je reçois ton manuscrit.

 J’agitai le livre.

 - Je l’ouvre au hasard, je lis deux phrases.

 Ce que je fis.

 - Ces deux phrases vont me faire décider si, première option, je fous le manuscrit au rebut, ou si, deuxième option, je vais lire un peu plus loin. J’ai essayé de te le dire l’autre jour, tu m’as pas écouté.

 - Et qu’est-ce que tu en sais, que ça se passe comme ça ?

 - Je suis auteur…

 - T’es même pas connu !

 - C’est de moi ou de toi, dont tu veux parler ? Ecoute, fais comme tu le sens. Je t’ai dit tout ce que j’avais à dire.

 

  Selon les aléas des rues de mon quartier, nous étions destinés à nous revoir.

Il traînait les photocopies de son manuscrit avec haine et désespoir. Nous nous rencontrions parfois chez COREP, où je tirais des impressions, et où il dupliquait son œuvre par intermittence.

Je regardais les pages sortir de la photocopieuse en étreignant une singulière impression : c’était du gâchis. Pour lui. J’en étais épuisé à sa place.

 - T’as retouché ton manuscrit ?

 - Un peu, j’ai rajouté des passages.

 - T’as retouché ton style ?

 - Jamais. Plutôt mourir.

 Il insista pour me le faire lire une nouvelle fois. Je refis ce que j’avais fait au café, et en tirai la même conclusion.

 - Cette fois encore, tu voudras pas m’écouter. Alors…

 Je lui rendis le manuscrit.

 - Je dérange, prétendait-il. Les éditeurs. C’est pour ça qu’on me refuse.

 - Déranger comment ?

 - Ce que j’écris. C’est trop différent.

 - Je pense pas que les éditeurs soient des gens dérangés par la différence, eux ils pensent à faire du fric. C’est tout.

 - Facile à dire pour toi, qui restes dans leurs normes.

 - Si c’est ce que tu penses… C’est comme tu voudras.

 Il écumait les salons et festivals littéraires, son manuscrit sous le bras. Hargneux, volubile et débordant d’orgueil.

 - Tu devrais pas faire ça, ils détestent qu’on leur refourgue un manuscrit de 500 pages alors qu’ils sont en déplacement. Ils vont le jeter à la fin de la journée.

 - Non ! Parce que je peux leur parler, en même temps…

 - Ils se fichent de ce que t’as à dire. T’es un caca, pour eux. Une merde. Tu perds ton temps.

 - T’es jaloux, tu veux décourager ceux qui veulent faire ton métier.

 - Je devrais te parler des éditeurs, t’as besoin de savoir qui ils sont exactement.

 - T’es en conflit avec le tien, alors forcément, tu vas tout déformer ! En plus comme t’es coco, t’en profites pour faire de la propagande ! Non merci !

 Il me montra sa lettre d’accompagnement : trois pages de délire verbal sur ses prétentions littéraires.

 - Raccourcis-la. Souhaite-leur bonne lecture, lèche leur le cul en leur disant que tu as l’honneur de leur soumettre ton travail, et c’est tout. On ne la lira pas, cette lettre.

 - Mais il faut bien que j’explique, sinon ils ne vont pas comprendre mon livre !

 - Alors ton livre a un gros problème.

 Un jour, il m’annonça en fanfare :

 - J’ai un contact !

 - C’est très bien ! Qui est-ce ?

 - Un éditeur que j’ai rencontré dans un salon, il m’a promis de lire le manuscrit. Je ne crois pas que ça lui plaira, parce que c’est un éditeur trop conventionnel, tu vois… Mais il pourra peut-être me recommander.

 - Qu’est-ce que tu lui as dit ?

 - J’ai parlé de mon livre.

 - Tu lui as dit pourquoi tu lui donnais le manuscrit ?

 - Oui, pour publication.

 - Bon, je te l’ai déjà dit une fois, mais t’aurais mieux fait de mentir en racontant que tu voulais seulement son avis…

 - Mais je veux pas son avis !

 - T’aurais juste un peu baratiné. Si le livre lui avait plu, de toute façon, il t’aurait aussitôt parlé de publication. Et il se serait senti moins agressé à la base : juste un avis, il aurait été soulagé, et il l’aurait lu plus volontiers.

 - En tout cas j’espère qu’il me recommandera !

 - Ça m’étonnerait qu’il le fasse, et s’il le fait, ce sera pour se débarrasser de toi.

 - Quoi ?

 - Une recommandation, ça fait fond de tiroir. Je te le conseille pas du tout. Un éditeur qui reçoit un manuscrit recommandé par un autre éditeur, il se demande aussitôt : « mais si c’est si génial que ça, pourquoi il l’a pas publié, lui ? ». Ne le fais pas. En revanche, retiens bien les adresses qu’il te donne, ça peut être utile.

 - T’y connais rien !

 Je me contentai de tendre les lèvres.

 

 Quelques mois plus tard, il continuait à foncer droit dans le mur.

Ça me fatiguait.

Il avait encore ajouté des chapitres à son livre illisible, et le renvoyait une seconde fois aux éditeurs qu’il avait déjà ciblés.

 - Change le titre.

 - Jamais de la vie !

 - Alors il passera automatiquement à la poubelle. Quelle importance, le titre ?

 - Non !

 - Tu te prends trop au sérieux. C’est qu’un pauvre livre dont, qu’il soit édité ou pas, plus personne ne se souviendra dans deux cents ans. Mes livres aussi, c’est du vent. Les livres de tout le monde, c’est du vent. J’ai peine pour toi, à te voir t’énerver et te ronger, pour cette foutue ramette de papier. Décompresse, pète un coup, putain.

 - Parle pour toi ! Moi je fais de la vraie littérature ! Personne m’achètera ! Jamais !

 J’abandonnai.

 

 Je n’ai pas compris pourquoi il le prenait comme ça. Je ne comprends toujours pas.

Tant pis.

 

 

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2 novembre 2009 1 02 /11 /novembre /2009 17:27

 

 

 

 

Rappelez-vous, lectorat fidèle, vendredi dernier je postai un article absolument mortifère, et totalement dérisoire, sur le fait que « je n’avais pas d’idées » (ce qui peut poser problème quand votre métier est celui d’écrire).

 

Entre autres, je fis pleurer dans les chaumières en déclarant à la face d’un monde horrifié que je gagnais 0,65 € de l’heure.

 

Glaçante coïncidence !

 

Le même jour, un ami Virtual Niggaz rédigea un article sur le même sujet. Le pauvre homme est, pour sa part, peintre et moult autres choses. Cela dit, rendons-lui justice : son article était beaucoup moins mortifère et dérisoire que le mien !

 

Dans les commentaires, nous débattîmes sur les origines et implications de ce trouble.

 

En bon stal psychorigide, je prétendis (sur fond de l’Internationale) que nos pannes d’idées nous culpabilisaient car nous avions alors le sentiment de tomber dans l’inactivité passive propre à la bourgeoisie (inconscient de classe).

 



Quelques explications

 


Surprenante ironie du sort !

 

Hier soir même, je fis mon autocritique en compagnie d’Aniki (ce courageux être ! ) sur cette dite culpabilité.

 

Plusieurs raisons affleurèrent alors, expliquant ma panne d’idées.

 

1 / Le changement d’heure.

 

Me concernant, le changement d’heure hivernal symbolise l’arrivée de cette saison que je déteste au plus haut point.

Ne jouissant point des joies d’un chauffage moderne, dans mon humble masure, je dois supporter la température la plus écologique qu’il soit au monde. Aussi, je passe la journée pelotonné (et non pas peloté, hélas !) par de multiples couches de pull-overs.

 

Dans cet étrange accoutrement, je cultive l’impression malsaine d’être réifié en une sorte d’entité vivante composé à quatre-vingt-dix-neuf pour-cent de laine, et un pour-cent de matière organique.

Bref, être un pull H&M ambulant ne pousse à pas l’exploration littéraire. Ma structure narcissique en est toute ébranlée (cf. l’article « Jean Slim »).

 

En outre, je suis miné par les prochaines festivités de fin d’année. Eh oui ! Je fais partie de ces gens qui exècrent Noël avec maestria (mauvais souvenirs d’enfance traumatisée obligent).

Voilà pourquoi j’encourage vivement à fêter, à la place, Festivus.

 

2 / J’ai déjà écrit un livre cette année.

 

Même si je n’en suis pas très satisfait, j’ai en effet pondu un roman. Même si ce n’est qu’un premier jet, cela m’occupa longuement durant la belle saison, et l’on peut tout à fait admettre que mon potentiel créatif est pour l’instant épuisé.

Je dois aussi reconnaître que j’ai toujours eu des éclairs de génie au printemps et en été, le reste de l’année étant davantage consacré aux corrections et relectures (ce que je fais actuellement sans trop me forcer, comme d’habitude).

 

3 / J’ai pas arrêté d’être malade.

 

Allez savoir pourquoi !

Après avoir contracté une forme légère de la grippe A (dite aussi Mexicaine, sauf mon respect envers nos camarades d’Amérique Latine), j’accumulai dans les semaines suivantes des rhumes et des bronchites, à ne plus que savoir en faire.

Hier encore, toussant à la façon d’un tuberculeux en phase terminale, je ne pouvais point fumer. Et qui dit, chez moi, pas de cigarette, se verra répondre : pas d’écriture !!

 

4 / J’ai des idées, mais il faut qu’elles mûrissent !

 

Argument imparable, dont la force se trouvera étayée par sa véracité totale.

 

 



Sur la « chance d’être édité ».

 


Dans son article, le camarade des Virtual Niggaz rappelait que sa panne d’idées est d’autant plus lourde à accepter qu’elle se double du plombant sentiment suivant : de toute façon, si je me mettais à bosser ça ne servirait à rien.

 

Malheureusement, notre ami n’est pas encore très reconnu pour son activité créatrice.

 

Ce à quoi je lui répondis que, dans mon cas, le statut d’auteur édité n’est pas plus facile à porter en cas de panne d’idées.

Quand vous êtes un créateur indépendant, peu importe que vous ayez des idées ou pas ! Vous faites face à votre seule conscience…

Quand vous êtes un créateur rémunéré, non seulement vous faites face à votre conscience, mais en plus les éditeurs vous bassinent pour que vous pondiez de nouvelles œuvres !

 

Ne croyez pas, peuple naïf, qu’ils vous bassinent parce qu’ils adooorent  ce que vous faites !

Certes pas !

En lui soumettant un nouveau manuscrit, vous avez neuf chances sur dix pour que l’éditeur vous le renvoie en pleine figure en lâchant : « mais quelle bouse, refais-moi ce travail de merde ! ».

Etre rémunéré, c’est très bien, je ne dis pas le contraire. Mais la longue bataille pour la reconnaissance (et donc pour de nouveaux salaires, aussi maigres soient-ils ! ) ne fait que commencer !

Les éditeurs vous bassinent pour s’occuper. Rien d’autre !



 

 

Notre ami me rétorqua que le fait d’être reconnu me conférait au moins un « but concret, un « devoir », la conscience de savoir pourquoi j’écris, une route tracée. »

 

L’explication ci-dessus détruit malheureusement ce noble espoir.

Sauf si vous avez vendu 500 000 exemplaires d’un même bouquin, un auteur déjà édité n’est pas plus certain de voir son manuscrit accepté qu’un auteur débutant.

 

Et je mets ma main à couper que des éditeurs ont déjà refusé des auteurs avec 500 000 exemplaires de vendus au compteur.

Si je ne l’affirme pas, c’est que je ne connais personne ayant été dans ce cas de figure, mais croyez-moi, ça existe.

 

Je terminerai en rappelant à tous les artistes et créateurs, quels que soient leurs domaines, qu’il ne faut mieux pas espérer vivre de son "art " … Un boulot complémentaire est et restera le bienvenu…

 

 

 

 

 

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30 octobre 2009 5 30 /10 /octobre /2009 20:08

 

 



 

  Quand l’on me demande pourquoi j’écris, je réponds que c’est parce que je ne sais rien faire d’autre.

Vous avez sûrement connu, ou avez vous-mêmes été, à l’école, l’élève qui griffonne en marge de ses cahiers. Les gens qui savent dessiner dessinent.

Les gens qui savent écrire écrivent.

Dans mon cas, ce fut surtout l’imagination qui me porta à l’écriture. Aussi loin que je m’en souvienne, j’ai toujours raconté des histoires.

 

 Aujourd’hui, je suis ce que les éditeurs appellent « un auteur » (ils n’utilisent que très rarement le terme « écrivain »). C’est-à-dire qu’on me paye pour les histoires que j’écris.

 

J’ai calculé mon revenu horaire pour mes petits talents d’écrivain.

 

Cela nous donne 0,65 € de l’heure (pour 48 semaines de travail dans l’année, 12 heures de travail hebdomadaires, et environ 4 années consacrées à un roman avant son édition, sur le total de mon à-valoir – qui est mon salaire).

J’ai sciemment vu mon temps de travail à la baisse, pour ne pas biaiser le résultat, puisque je planche souvent sur plusieurs projets à la fois.

 

 Partant pour la littérature avec le bagage que je me traînais (pauvre, jeune, sans diplôme et sans relation), je ne me suis jamais fait de grandes illusions sur ce que ce « métier » avait à m’apporter.

Et je m’étonne encore de constater l’intérêt de certains éditeurs pour mes productions.

 

Là-dedans, je suis le chien dans le jeu de quilles lettrées (comme je le suis dans mon parti politique).

Je ne connais aucun des auteurs, ou des critiques littéraires, que me citent les éditeurs en guettant ma réaction avec impatience.

Je ne lis pas la presse spécialisée, ni les autres auteurs qu’ils éditent.

 

En tant que communiste, je suis la curiosité excentrique des maisons d’édition, que l’on mitraille de questions et que l’on exhibe en espérant : « un pauvre invité à notre table, ça nous portera chance ».

Bien sûr, il est hors de question de faire la promotion de mes livres sur le critère de ma position politique.

 

Je laisse passer tout cela avec la résignation légendaire des pauvres.

J’en ai vu d’autres.

 

 Quand on se lasse de me faire parler matérialisme dialectique devant un parterre de politico-mondains enchantés, on me demande donc d’écrire des livres.

Comme je ne suis pas très intelligent, ni très vif d’esprit, je mets un certain temps à pondre une « œuvre » (du moins, une œuvre publiable).

Et comme je ne suis pas non plus très pressé que « l’œuvre » en question soit métamorphosée, déchiquetée et rapiécée par les éditeurs…

Je prétends travailler sur « un nouveau projet qui déchire » - projet dont, en fait, je n’ai rédigé qu’un premier jet absolument insatisfaisant, et que toute compte fait, je n’aime pas, et dont je ne veux plus entendre parler.

 

A la vérité, il y a des périodes où, vidé, repu, ennuyé et fatigué, je n’ai plus la moindre idée.

Cela me culpabilise, et Aniki, compatissant, me rappelle :

 - Souviens-toi quand on a vu Philip Roth à la télé, il disait que ça lui faisait pareil et…

 - Mais je ne suis pas Philip Roth !

 Les éditeurs se montrent moins conciliants.

 - Essaie d’écrire au moins mille mots par jour, ça t’entraînera…


 Je préfère encore expliquer pourquoi j’encule l’esthétique à un repas politico-mondain, croyez-moi.

 

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11 octobre 2009 7 11 /10 /octobre /2009 21:28

 

Tu veux devenir écrivain ?

 

Tu crois avoir du "talent" ?

 

Oui, mais ça ne suffit pas !

 

Apprends en suivant

ECRIVAIN ACADEMY© !!

 

 

 

Bientôt la finale …. Qui sera éliminé ?

 

Stoni ou Moussu le Canari ?

 

 

 

Au début, ils étaient dix.

 

Petit à petit, l’Editeur les a sélectionnés.

 

Au termes d’épreuves plus horribles les unes que les autres, dont :

 

- écrire un livre

-  encaisser des tas de critiques négatives sur son travail

-  se faire traiter de caca

-  apprendre à écrire comme le veut La Maison d’Edition

-  réécrire le livre

- ré-réécrire le livre

- ré-ré-réécrire le livre (etc.)

-  tenir le coup dans les festivals littéraires

-  tenir le coup dans La Maison d’Edition

-   apprendre que son nouveau manuscrit est un tas de merde

 

 

 

Qui se verra offrir LA place de la prochaine grande sortie littéraire de l’Editeur ???

 

 

 

 

L’Editeur

 




Tous ont fourni un travail considérable. Ils m’ont épaté. Vraiment. Mais il faut bien faire le tri… Ha ha ha ! Voyons un peu ce qu’ils ont encore dans le ventre ! En lice, il nous reste Stoni et Moussu le Canari. Je dois avouer que mon goût littéraire balance ! Examinons leurs profils !!




 

Profil de Stoni

 

L’Editeur : Ses romans m’ont bouleversé. Cela dit, je crains qu’il ne soit communiste. Ce que je n’aime pas chez lui, c’est qu’il fume uniquement du tabac, pas des joints. Ce n’est pas très sérieux. Ses livres manquent aussi de partouzes entre humains et lombrics. Parce que, vous voyez, c’est très impertinent les partouzes entre humains et lombrics ! Et puis, il est trop moralisateur. Personnellement, je n’ai pas envie de me taper les livres d’un pseudo Lénine parti en roue libre. Le communisme, ça a fait quatre-vingts millions de morts, quand même ! Par contre, il sait écrire ce petit con, pas de doute ! Je vous le dis ! Trente ans de métier, jamais vu ça !

 

Ressenti subjectif de Stoni :

 




Ouais… Mec franchement j’en peux plus… Putain, j’ai passé la journée à lire ma dernière merde à voix haute. Pardon, mon dernier roman. Je me disais : putain c’est quoi ce travail de chiotte ? Problème, je ne sais rien faire d’autre. Avant, je me disais, si l’écriture ça marche pas, je ferais de la politique. Sauf que j’ai découvert que je serais nul en politique. L’Ecrivain Academy ? Ce que j’en pense ? J’en pense que pour l’instant, ça m’a pas fait gagner un rouble. Un euro, pardon bis. Ok, j’ai jamais voulu faire ça pour le fric, je suis con, mais pas à ce point là. Sauf que bon… Hum hum… Laissez-moi mater Andrei Roublev, je vous en supplie.

 



L’Editeur : A ce qu’il est chou, je vous jure ! Andrei Roublev ! Passons à Moussu le Canari.

 

Moussu le Canari est d’une totale impertinence. Son roman Un lombric pour la route, s’il vous plaît ! explore les relations libidineuses complètement folles entre un agent des douanes suisses et un lombric transsexuel. Je suis persuadé qu’il va aux tréfonds de l’âme humaine, et de l’âme invertébrée, lorsqu’il écrit. Intéressant, ce garçon. Son défaut, c’est qu’il est un canari. Je ne souhaite pas passer pour raciste, mais ce sera difficile de le larguer sur un plateau de télévision. Son œuvre littéraire a au moins l’audace de mettre la communauté underground des canaris sur le devant de la scène.

 

Ressenti subjectif de Moussu le Canari :

 



Faut que je boive de l’alcool !! Vous auriez pas un petit pétard, dites ? Ma principale référence littéraire, c’est Servietsky, ce grand auteur russe contemporain. Vous me payez une bière ? L’Ecrivain Academy ? Ce que j’en pense ? J’en pense que sniffer de la coke, c’est trop bien !! Ça déchire les mecs !

 

 




MAINTENANT, VOTEZ EN ENVOYANT UN SMS* !

 

 

 

 


 

* SMS facturé à 10 €, plus coût de l’opérateur. Les votes des lecteurs sont uniquement consultatifs, et n’engagent pas l’Editeur dans le choix du gagnant. Voir le règlement de l’Ecrivain Academy. Seul l’Editeur est habilité à sélectionner le gagnant.

 

 

 

 

 

 

 

 

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