Je crois que j'ai jamais posté une image
aussi moche sur le blog
Nouveau courrier des lecteurs, nouveau Stoni mode Saint-Bernard, nouveau tuyau pour les auteurs en quête d'éditeur.
Cher Stoni,
Ô vénérable blogueur, permets à la crotte en formation que je suis (n'ayant pas encore atteint le stade de caca) de connaître ton point de vue sur ce petit écueil que je rencontre sur mon propre manuscrit, à savoir : le dialogue à personnes multiples.
Par exemple :
- Oh, jamais vu un salaud pareil, tu sais que t'es un salaud, Salman ?
fulmina Robert.
- Oui, un vrai salaud, ça se voit avec ta moustache ! renchérit Roland.
- Pourquoi tu te rases pas la moustache, hein ? Tu serais peut-être un peu moins salaud, et un peu moins tâche au passage, hein, pourquoi tu te rases pas, facho de moustachu !? Ajouta Rosine.
- On sait très bien que c'est un signe de reconnaissance pour vous... reconnaître entre vous ! Qui c'est qui porte encore la moustache aujourd'hui, à part les salauds de moustachus !? s'énerva
Rocard.
- Mais... mais... je peux pas me raser la moustache, c'est pas possible ! balbutia Salman.
- Pourquoi ? T'as pas de mousse pour guillotiner cette tâche au-dessus de tes lèvres de salaud ? cracha Romualda en se caressant les nichons. (...)
Evidemment, tu vois le problème : non seulement, les "fulmina...
renchérit..." sont comme des barbelés dans la fluidité du texte, mais qui plus est, il me semble que ce n'est pas naturel que l'on connaisse le nom du personnage APRES sa réplique. Bref,
quelle(s) alternative(s) pour le blabla à personnes multiples ?
Car hormis la présentation théâtrale ou scénaristique des noms de personnages, je n'ai pas encore trouvé de solution élégante pour le roman. Et toi ?
Signé : un admirateur secret
Ho ho ! Question ma foi fort croustillante !
J'en parlais d'ailleurs déjà un peu dans l'article « Pimp my prose ».
Dans un premier temps, je conseille de lire des romans et de bien observer comment procède l'auteur dans un dialogue avec plusieurs personnages.
Un bon écrivain ne copie pas, il pille, pour paraphraser notre cher ami Picasso.
Dans ton exemple cher admirateur secret, j'aurais déjà tendance à dégraisser un peu le dialogue. Cet exemple est, certes, peut-être spécialement créé pour l'occasion, mais bon... Tu as remarqué que les personnages répètent dix fois que "les salauds ont une moustache" ? Eh bien nombre d'auteurs commettent cette bévue pour de vrai ! Une fois, ça suffit : on a compris. Deux fois, à la rigueur, pour créer un effet comique. Guère plus !
Dégraissez au maximum vos textes, et surtout vos dialogues. Pas besoin de répéter quinze fois la même chose (sauf si c'est un truc vraiment super important dont le lecteur doit être à tout prix conscient).
En outre, on essaie de placer les rares "dit-il" que l'on s'autorisera à la fin de la première phrase du dialogue. C'est-à-dire...
On ne fait pas ça :
- Pourquoi ? T'as pas de mousse pour guillotiner cette tâche au-dessus de tes lèvres de salaud ? cracha Romualda en se caressant les nichons.
Mais ça :
- Pourquoi ? cracha
Romualda en se caressant les nichons. T'as pas de mousse pour guillotiner cette tâche au-dessus de tes lèvres de salaud ?
Ensuite, il faut en effet limiter les « renchérit-il » « observa-t-il »... Les éditeurs détestent cela.
Je ne vous dis pas de les éliminer totalement, mais de faire attention à ne pas trop en abuser !
Mais pour les contourner, j'ai fort heureusement quelques tuyaux.
D'une, compter sur la logique. Un exemple ! Tu as deux personnages : Jean et Edouard.
Jean et Edouard s'installèrent dans le salon.
- Comment ça va ? Fit Edouard, avec l'air de ne pas y toucher.
- Bof...
Jean avait vécu une véritable journée de merde.
Après le « bof », c'est pas la peine de préciser "répondit Jean". Il n'y a que deux personnes présentes dans notre salon. Si Edouard pose la question, Jean répond. Logique.
Tu peux aussi compter sur la logique du contexte.
Exemple : trois personnages. Bibou et Nanou, des tortionnaires qui menacent de tuer Didou. Didou est attaché sur une chaise.
Bibou passa la machette à Nanou, qui eut un sourire matois.
- Hé hé... On va se le faire !
- Non ! Me tuez pas ! Non !
La porte s'ouvrit violemment : le directeur de l'école scruta ce sordide spectacle, les yeux écarquillés.
- Foutre Dieu !
Bibou et Nanou filèrent aussi vite que la lumière. Le directeur se précipita sur Didou, qu'il détacha.
- Mon pauvre enfant !
- Merci monsieur le directeur ! Sans vous, je serais mort à l'heure qu'il est !
T'as vu : pas un seul "dit-il", "répondit-il", "hurla-t-il".
La logique du texte t'en abstient.
Examinons le dialogue à la loupe.
- Héhé... On va se le faire !
Puisque Nanou était le dernier personnage cité par le récit, on se doute bien que c'est lui qui parle.
- Non ! Me tuez pas !
C'est Didou qui est ligoté : c'est lui qui supplie ses tortionnaires. Evident.
- Foutre Dieu !
Le directeur vient d'entrer. Le dialogue qui suit est forcément prononcé par ce personnage.
- Mon pauvre enfant !
Idem. Le directeur se précipite sur Didou. On comprend que c'est lui qui prend la parole.
- Merci monsieur le directeur !
Celui qui remercie est celui qui est sauvé, pas celui qui sauve...
Encore une autre astuce pour éviter les "dit-il". Recourir au récit.
Et ouais. En plus ça te permet d'approfondir la psychologie de tes personnages. Vois plutôt.
Un dialogue moche :
- Elle est où, la machette ? Demanda Nanou.
- Je sais po ! Rouspéta Bibou qui s'était vautré devant la télé avec sa copine Lilou.
- Je l'ai emmenée à la piscine et je l'ai oubliée, déclara Lilou. Hé ouais. C'est moi qui l'ai prise. Faut que j'aille la chercher.
- Quelle conne ! S'exclama Nanou en tapant du pied par terre.
Nous pouvons arranger ce dialogue en recourant au récit.
Nanou chercha sous le canapé, puis sous la table. Il s'immobilisa, bras ballants, joues gonflées.
- Elle est où, la machette ?
Bibou s'était vautré devant la télé avec sa copine Lilou. Les allers-retours de Nanou les déconcentraient.
- Mais je sais pas où elle est ta putain de machette, euh !
Lilou, elle, demeura silencieuse. La jeune femme baissa la tête, puis avoua :
- Je l'ai emmenée à la piscine et je l'ai oubliée.
Elle redressa le menton, soudain très fière de son audace. Elle osait enfin s'exprimer devant Bibou.
- Hé ouais les mecs ! C'est moi qui l'avais prise ! Je peux aller la récupérer, si vous voulez.
- Quelle conne !
Nanou lui envoya la télécommande à la gueule.
C'est-y pas beau, tout ça ? Admirez la fluidité du dialogue ! En outre, on en apprend davantage sur Nanou.
Les micro-expressions, tics, mouvements de tête, jeux de regard, jeux de mains, gestes hésitants, gestes avortés, entre deux dialogues, je suis très friand. Dans un dialogue, un retour régulier au récit permet de bien rythmer le texte.
Les dialogues qui s'enchaînent au kilomètre, j'aime pas trop.
Mieux vaut aérer, emballer tout ça dans une belle prose bien fluide.
Cela dit, quand vous aurez un dialogue, vous serez bien obligés de temps en temps mettre des "dit-il". Mais essayez vraiment de limiter la casse...
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